Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/78

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putation à un maître qui par excès de bonté ne s’est pas contenté de vous recevoir chez lui généreusement au fort de vos misères, mais qui, par son approbation et par l’honneur qu’il vous a fait en vous regardant d’assez bon œil, a obligé tous ses amis à dire du bien de vos ouvrages. C’est de lui seul que vous tenez le peu d’estime que vous possédez, non du mérite de vos œuvres, qui ne sont pas si parfaites que tout le monde n’y ait remarqué de grands défauts. Vous faites bien de prendre du temps pour justifier la Silvanire, le Duc d’Ossonne, la Virginie et la Sophonisbe[1] ; si vous le faites, j’avoue que l’ouvrage sera bien considérable, puisque par lui vous ferez l’impossible. À tout hasard, je ne vous conseille pas de les porter à la censure de l’Académie, de peur d’une trop grande confusion. Une pareille crainte n’a jamais empêché M. Corneille de se soumettre au jugement d’une si célèbre compagnie[2]. C’est une déférence qu’il a toujours rendue à ses amis, et n’a jamais eu honte d’avouer ses fautes quand on les lui a fait connoître. Il fera beaucoup moins de difficulté de subir le jugement de tant d’excellentes personnes, quand ils se voudront donner la peine d’examiner ce qu’il a donné au public, et ne manquera jamais à rendre le respect qu’il doit à la dignité de leur chef. Mais puisque vous avouez que les injures mal fondées sont les armes des harangères, je vous conseille de ne vous en plus servir, et de vous taire aussi bien que M. Corneille, du depuis que ses envieux ont fait leurs efforts à le faire parler. Quoiqu’on lui veuille attribuer beaucoup de petites pièces qui ont été faites en sa faveur, je sais de bonne part qu’il n’en connoît pas les auteurs. Puisqu’il garde si religieusement le silence, imitez-le en la modération de son esprit, si vous ne le pouvez en ses poëmes. Fuyez la trop grande ambition, que vous condamnez

    que nous en sommes exclus, si nous ne restituons publiquement la réputation illégitime que ces deux pièces (la Silvie et le Cid) nous ont donnée. » (Épître familière du sieur Mairet, p. 12.)

  1. « J’essayerai néanmoins de lui justifier la Silvanire, le Duc d’Ossonne, la Virginie et la Sophonisbe, dans un ouvrage plus considérable que cestui-ci. » (Ibidem, p. 8.)
  2. Ce n’est assurément pas Corneille qui a écrit ou même inspiré ce passage, car il se défend avec énergie d’avoir accepté des juges. Voyez ci-dessus, p. 47 et 48, et ci-après, p. 83.