Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/434

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Le peuple vous rappelle, et peut vous dédaigner,
Si vous ne lui portez, au retour de Castille,
Que l’avis d’une mère et le nom d’une fille.
D’un mari valeureux les ordres et le bras
Sauraient bien mieux que nous assurer vos états,
Et par des actions nobles, grandes et belles,
Dissiper les mutins, et dompter les rebelles.
Vous ne pouvez manquer d’amants dignes de vous ;
On aime votre sceptre, on vous aime ; et sur tous,
Du comte Dom Alvar la vertu non commune
Vous aima dans l’exil et durant l’infortune.
Qui vous aima sans sceptre et se fit votre appui,
Quand vous le recouvrez, est bien digne de lui.

DONA ELVIRE

Ce comte est généreux, et me l’a fait paraître ;
Aussi le ciel pour moi l’a voulu reconnaître,
Puisque les Castillans l’ont mis entre les trois
Dont à leur grande reine ils demandent le choix ;
Et comme ses rivaux lui cèdent en mérite,
Un espoir à présent plus doux le sollicite ;
Il régnera sans nous. Mais, madame, après tout,
Savez-vous à quel choix l’Aragon se résout,
Et quels troubles nouveaux j’y puis faire renaître,
S’il voit que je lui mène un étranger pour maître ?
Montons, de grâce, au trône ; et de là beaucoup mieux
Sur le choix d’un époux nous baisserons les yeux.

DONA LÉONOR

Vous les abaissez trop ; une secrète flamme
A déjà malgré moi fait ce choix dans votre âme :
De l’inconnu Carlos l’éclatante valeur
Aux mérites du comte a fermé votre cœur.
Tout est illustre en lui, moi-même je l’avoue ;