Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/444

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Don Manrique, est-ce assez pour faire seoir Carlos ?
Vous reste-t-il encore quelque scrupule en l’âme ?
Dom Manrique et Dom Lope se lèvent, et Carlos se sied.

DOM MANRIQUE

Achevez, achevez ; faites-le roi, madame :
Par ces marques d’honneur l’élever jusqu’à nous,
C’est moins nous l’égaler que l’approcher de vous.
Ce préambule adroit n’était pas sans mystère ;
Et ces nouveaux serments qu’il nous a fallu faire
Montraient bien dans votre âme un tel choix préparé.
Enfin vous le pouvez, et nous l’avons juré.
Je suis prêt d’obéir ; et loin d’y contredire,
Je laisse entre ses mains et vous et votre empire.
Je sors avant ce choix, non que j’en sois jaloux,
Mais de peur que mon front n’en rougisse pour vous.

DONA ISABELLE

Arrêtez, insolent : votre reine pardonne
Ce qu’une indigne crainte imprudemment soupçonne ;
Et pour la démentir, veut bien vous assurer
Qu’au choix de ses états elle veut demeurer ;
Que vous tenez encore même rang dans son âme ;
Qu’elle prend vos transports pour un excès de flamme,
Et qu’au lieu d’en punir le zèle injurieux,
Sur un crime d’amour elle ferme les yeux.

DOM MANRIQUE

Madame, excusez donc si quelque antipathie…

DONA ISABELLE

Ne faites point ici de fausse modestie :
J’ai trop vu votre orgueil pour le justifier,
Et sais bien les moyens de vous humilier.
Soit que j’aime Carlos, soit que par simple estime
Je rende à ses vertus un honneur légitime,