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aux enflures de la rate. Ceux qui ont des cauteres y mettent des feüilles de Lierre, à cause de leur proprieté particuliere à attirer l'humeur qui y distille, & que d'ailleurs elles sont fort bonnes à consolider la playe. Matthiole dit qu'en Italie les femmes en mettent de petits chapeaux sur la teste de leurs enfans quand ils y ont des pustules, & qu'elles en ostent par là toute l'inflammation. Ce mot vient du Latin Hedera, qui veut dire Lierre. On a dit d'abord Hierre, & en y joignant l'article le, on a dit L'hierre, dont insensiblement on a fait Lierre, à quoy on a ajousté un nouvel article, en disant le Lierre.

Il y a aussi un Lierre qu'on nomme Lierre terrestre. C'est une herbe qui se traîne fort loin par terre, par petites cordes quarrées, d'où sortent des feüilles rondes, crespuës & dentelées. Elle fleurit au mois d'Avril. Sa fleur est petite. Elle tire sur le pourpre, & sort du lieu mesme d'où sortent ses feüilles. Ses racines sont fort minces, & se jettent des nœuds des tiges, qui par ce moyen demeurent jointes à terre. Cette herbe vient aux lieux ombragez auprés des murailles des Villes, & quelquefois elle croist dans les jardins. Elle a un goust fort amer ; ce qui luy donne une vertu purgative. Son jus meslé avec du verd de gris est bon aux ulceres caverneux. L'huile que l'on fait du Lierre terrestre, en y détrempant de ses feüilles fraîches, & les laissant long-temps secher au Soleil pendant l'Esté, est fort singuliere pour la colique ; soit prise en breuvage, soit clisterisée.

LIEUE.

s. f. Espace de terre, consideré dans sa longueur, servant à mesurer le chemin & la distance d'un lieu à l'autre, & contenant plus ou moins de pas geometriques selon le different usage des Provinces & des Pays. Acad. Fr. La Lieuë commune de France est de deux mille quatre cens pas geometriques, la petite de deux mille, & la grande de trois mille, & en quelques endroits de trois mille cinq cens. La Lieuë commune de Suede, de Dannemarck & de Suisse, est de cinq mille, & la Lieuë commune d'Espagne d'environ trois mille quatre cens vingt-huit. M. Ménage, aprés Pasquier veut que Lieuë vienne de Leuca, ou leuga, vieux mot Gaulois, & Nicod dit qu'il semble venir du Grec leukê, Blanche, à cause que les intervalles des lieux estoient autrefois marquez par des pierres blanches ; d'où vient que les Latins ont dit, Ad primum, secundum, tertium, &c. ab urbe lapidem, id est, milliare.

LIEVE.

s. f. Extrait d'un papier terrier d'une Seigneurie, qui contient le nom des terres, des tenanciers, & la qualité de la redevance. Cette Lieve sert de memoire au Receveur pour demander le payement des cens & rentes & autres droits Seigneuriaux. On fait quelquefois de nouveaux terriers sur les anciennes Lieves, quand les titres ont esté perdus par le ravage des guerres, ou par le malheur de quelque incendie.

LIEURE.

s. f. Les Voituriers par terre appellent Lieure, Le cable d'une charrette, qui sert à lier dessus, les balots & autres fardeaux dont on la charge. Lieure, se dit aussi en termes de Charpenterie. Ce sont des pieces de bois courbes par un bout qui servent à élever les bords d'un bateau foncet avec les clans. On appelle, en termes de mer, Lieure de beaupré, Plusieurs tours de cercle qui tiennent l'aiguille de l'éperon avec le mast du beaupré.

LIEVRE.

s. m. Petit animal de la taille d'un lapin, mais plus gros, qu'on chasse avec des chiens dans les plaines. Il a le poil gris & les oreilles longues & droites. Cet animal est extrémement timide ; ce


qui fait qu'il dort les yeux ouverts, comme si la nature luy avoit appris à ne se fier qu'à la vistesse de ses pieds. Aristote dit que de toutes les bestes à quatre pieds, il n'y a que le Lievre seul qui ait du poil dans la bouche & sous les pieds, & qu'entre les animaux qui ont des dents dessus & dessous, & qui n'ont qu'un ventricule, il est le seul qui ait un caillé. Ce caillé, que l'on appelle Coagulum leporis, est un excellent remede contre les piqueures des bêtes venimeuses. Il sert aussi à faire dissoudre le sang caillé. Archelaüs & plusieurs autres disent que tous les Lievres sont hermaphrodites, & que les masles peuvent engendrer aussi-bien que les femelles. Matthiole rejette cette opinion, à laquelle l'abondance qu'on trouve de Lievres a pû donner quelque fondement. Il dit que cette abondance ne provient que de ce que les femelles cherchent les masles si-tost qu'elles ont fait leurs petits ; ce qui les fait porter tous les mois ; outre que, selon le sentiment d'Aristote, elles ne laissent pas de retenir quoy qu'elles soient déja pleines ; de sorte qu'elles ne font pas leurs petits tout à la fois comme les autres animaux, mais en divers temps, selon les differens jours qu'elles ont esté couvertes. Pline dit qu'aux environs de Brilet, Therne & Cherronese prés de la Propontide, les Lievres ont double foye, & que quand ils changent de pays, un de ces foyes est aussi-tost consumé. Il dit aussi qu'il y a des Lievres blancs qui se tiennent dans les Alpes & dans les montagnes, & qu'en celles d'Ananie on y en trouve un tres-grand nombre, sur tout quand elles sont couvertes de neige, mais qu'ils ne sont ny si grands ny de si bonne venaison que les autres. Ils ne gardent cette couleur blanche qu'autant que la neige demeure sur les montagnes, & lors qu'elle fond ils deviennent roussastres ; ce qui arrive de la mesme sorte dans tous les Lievres de la Laponie & autres pays Septentrionaux, qui tous les ans changent de couleur, commençant aprés l'équinoxe d'Automne à poser leur couleur grise & à blanchir quand les premieres neiges tombent. On en prend mesme quelques-uns vers ce temps-là qui sont moitié gris & moitié blancs, mais au milieu de l'hiver ils sont blancs entierement, comme si c'estoit un soin de la nature d'empescher que ces foibles animaux ne soient apperçus facilement au milieu des neiges par la diversité de leur couleur ; ce qui feroit peut-estre que la race en seroit exterminée par les hommes & par les bestes sauvages. On dit que si une femme porte sur soy les fumées d'un lievre, elle ne concevra point. La chair de cet animal est difficile à digerer, & engendre un sang grossier, épais & melancolique. Son foye estant sec & pris en breuvage est fort bon à ceux qui ont mal au foye. Le Lievre entier mis en un four dans un pot de terre bien bouché, jusqu'à ce qu'il soit tout-à-fait reduit en cendres, sert beaucoup aux difficultez d'urine, faisant sortir le gravier hors de la vessie comme hors des reins. La cervelle du Lievre, soit cuite ou brûlée, est aussi fort bonne pour fortifier les nerfs.

Lievre-marin. Poisson venimeux qui naist dans la mer & dans les étangs fangeux. On l'appelle ainsi à cause de quelque ressemblance qu'il a avec le Lievre terrestre. Pline dit que celuy qui vient dans la mer des Indes, est venimeux seulement à le toucher, & qu'il cause aussi-tost un vomissement & un dévoyement d'estomac ; mais que celuy qu'on prend dans nos mers est comme une piece de chair sans os, & qu'il est semblable au lievre seulement en la couleur. Celuy des Indes est plus grand de corps que le nostre. Il a aussi le poil plus rude, & on ne le prend jamais vif. Lors qu'Elian décrit le Lievre