Page:Corneille - Dictionnaire des arts, 1694, T1, E-L.djvu/302

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poreux, jusqu'à ce qu'ils tombent sur un corps qui ne leur donne point de passage. Alors ils s'étendent en forme de lumiere sur la superficie de ce corps, d'où ils sont repercutez puissamment jusqu'à ce que le mouvement que cause le corps lumineux se rallentisse, & que toute la Lumiere disparoisse. La Lumiere est proprement dans le corps lumineux & dans l'objet illuminé, & le rayon est dans l'Atmosphere. On demande si la qualité que l'on appelle Lumiere, est telle, qu'afin qu'elle puisse estre transmise du corps lumineux, estre répanduë dans le milieu, mouvoir l'œil & faire la vision, elle doive estre quelque écoulement substantiel, c'est-à-dire, quelque contexture corporelle qui sorte du corps lumineux, ou quelque autre chose. Comme il faut necessairement que la substance lumineuse que la Lumiere répand, ou demeure, ou s'aneantisse quand la Lumiere s'esteint, & qu'on ne peut dire qu'elle s'aneantisse, on conclut de-là qu'elle reste materiellement, mais qu'elle est dépoüillée de l'action formelle d'illuminer, c'est-à-dire, que la forme de la lumiere consiste dans un mouvement tres-prompt rectiligne, & qui se fait spheriquement. Lorsque ce mouvement cesse, l'illumination cesse en mesme temps, & lors qu'il vient à estre rétabli par quelque Lumiere qui communique un semblable mouvement de la mesme substance, l'illumination paroist de nouveau dans le mesme instant. Empedocle a cru que la Lumiere estoit un écoulement, & que l'air, l'eau & les autres corps transparens, ont de petits pores invisibles proportionnez, par lesquels se fait le trajet de cet écoulement jusques à l'œil, afin que la vision se fasse. Aristote dit expressement que la Lumiere n'est ny feu ny corps, ny l'écoulement d'aucun corps, mais l'acte du transparent en tant que transparent. Comme cette définition paroist obscure, on conjecture de ce qu'en ont dit ses Interpretes, que son opinion a esté qu'il y a une certaine substance corporelle répanduë par tout, dont les pores de l'air & des autres corps transparens sont toûjours remplis, & qui sert comme d'instrument au Soleil pour faire impression sur l'œil qui est éloigné. Descartes qui avec d'autres Modernes a eu la mesme pensée, compare cette substance à une longue verge continuë, & qui est tenduë depuis la surface du Soleil jusques à nos yeux. Ce qu'il a de particulier dans son sentiment, c'est qu'il détermine la figure des parties de cette substance, les faisant spheriques, & concevant les rayons comme autant de longues files de petites boules contiguës, qui se suivent en droite ligne, depuis le corps lumineux jusques à nos yeux. Gassendi convient avec Aristote, en ce que depuis le corps lumineux, comme depuis le Soleil jusques à nos yeux, il doit y avoir quelque chose de répandu qui soit comme l'instrument de la vision, & il est persuadé que ce doit estre quelque chose de corporel, à cause que les rayons de lumiere se reflechissent ou se courbent, s'écartent ou se rassemblent, deviennent plus forts ou plus foibles, échauffent, bruslent & resolvent, ce qui dépend absolument du corps, & ne peut s'attribuer qu'à des corps. Il conçoit aussi avec Descartes que les premiers principes de Lumiere doivent estre spheriques, comme ceux du feu, parce que la Lumiere n'est qu'une flamme tres-rare & tres-subtile, mais il est different de l'un & de l'autre qui n'admettent point de vuides dans la nature, en ce qu'il soustient qu'il y en a de répandus dans tous les corps transparens, dans l'air, dans l'eau, dans le verre, & mesme dans le reste des corps sensibles, sans lesquels vuides, le mouvement & l'action de la Lumiere seroient impossibles & inconcevables.


Il croit aussi que la Lumiere est un écoulement de petits corps, qui sortent continuellement du corps lumineux. La Lumiere que le corps lumineux cause, est receuë immediatement dans l'œil, comme quand nous regardons le Soleil, ou mediatement, comme quand un corps opaque modifie diversement la lumiere. Il y a deux sortes de modification, la refraction, qui arrive quand la Lumiere passe par des milieux differens ou de differente consistance, & la reflexion qui se fait lorsque la Lumiere est reflechie par un objet opaque, qui ne luy donnant point de passage la renvoye de mesme qu'un mur renvoye une balle exactement, suivant l'angle d'incidence. Si le corps reflechissant est poli, il reflechit la Lumiere à peu prés suivant la ligne d'incidence, & paroist resplendissant. S'il n'est point poli, s'il a diverses avances, differentes configurations de pores ou enfoncemens, la Lumiere qui s'y modifie diversement, est interrompuë par des ombres, & souffre plusieurs sortes de refractions & de reflexions, en sorte qu'elle n'arrive jamais à l'œil telle qu'elle est naturellement, mais de toute autre maniere, & alors elle est appellée couleur, & l'objet qui la reflechit ainsi modifié, est dit coloré, la couleur n'estant en effet rien autre chose que la Lumiere diversement modifiée dans le corps où elle tombe, c'est-à-dire, dont le mouvement a esté changé par la refraction & par la reflexion, avant que de parvenir à l'œil. Ainsi les differentes modifications de la Lumiere resultent des differentes avances, pores & enfoncemens de la grandeur ; de la figure, & de la tissure des particules qui composent les superficies des corps, & elles constituent toutes les differences des couleurs tant apparentes que réelles, toutes les couleurs dépendant, & de la Lumiere, & de l'ombre qui se remarquent dans les petits pores d'un corps opaque. C'est de-là que viennent les couleurs principales & moyennes. Les premieres, comme le blanc & le noir, viennent de la reflexion simple qui se fait ou ne se fait pas, & les secondes, comme le bleu & le jaune, viennent de la reflexion & de la refraction conjointement des rayons & de la modification du mouvement lumineux. Toutes les autres couleurs se forment de ces quatre principales, le vert, du jaune & du bleu ; le rouge du jaune concentré ; le gris du blanc & du noir ; & le cramoisi du bleu & du rouge. Tout cecy est d'Ettmuller dans ses Institutes de Medecine. Pour donner jour à tout ce qu'il dit de la Lumiere, il considere celle du feu & du bois pourri, dont l'un jette une Lumiere chaude, & l'autre une Lumiere froide. Il y a dans le feu, dit-il, une dissolution actuelle d'un soufre, ou d'une substance grasse acide, qui renferme un sel volatile caché. Le choc mutuel & l'effervescence de ces particules, & des particules nitreuses de l'air allumées dans cette dissolution, produisent les principaux phenomenes du feu. L'acide agité trop violemment fait la chaleur. La partie graisseuse qui combat avec l'acide fait la Lumiere, & en faisant une explosion vehemente avec l'alcali, cette action pousse en droite ligne & de tous sens, les particules de l'air contiguës, & répand presque en un instant des rayons & de la Lumiere. Le bois pourri est lumineux par le mouvement de la dissolution du mixte, lequel mouvement de pourriture, estant de sa nature exposé à la fermentation, donne moyen à l'alcali de s'exalter, & d'agir contre l'acide & le gras joints ensemble, & en les dissolvant il leur donne un mouvement semblable à celuy du feu qui meut pareillement les autres petites particules de l'atmosphere & pousse des rayons.

Tome III MMmm