Page:Corneille Théâtre Hémon tome4.djvu/450

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déjà plaidé la cause des unités dans un discours sur la poésie placé en tête de la Silvanire (1625). Ou n'ôtera pas, du moins, à Mairet ce très réel mérite d'avoir écrit une vraie tragédie, sept ans avant le Cid.

Avec un instinct déjà sûr des nécessités du théâtre, Mairet a corrigé ce que les données fournies par Tite-Live, avaient de peu dramatique. Rien de plus odieux d'une. part, et d'autre part de plus ridicule que la situation de cette femme prise entre deux maris et passant avec une si étrange facilité de l'un à l'autre, de ce roi sénile qui n'est qu'un jouet entre les mains d'une femme impérieuse, de cet autre roi jeune, amoureux, vainqueur, et trop lâche pour soustraire sa femme à la vengeance des Romains. Ici, destinée d'abord à Massinissa, qu'elle n'a jamais oublié, Sophonisbe a dû se résigner à l'hymen de Syphax, et Syphax, dès la première scène, lui reproche de correspondre avec le prince numide. Que lui importe la jalousie de son vieil époux ! Une seule chose la préoccupe : Massinissa l'aime-t-elle encore ? Est-ce sa victoire , est-ce sa défaite qu'elle doit demander aux dieux ? Elle voit son devoir, mais n'a pas la force de l'accomplir :

Allons-y donc, Phénice,
Et, de peur de prier contre mon propre bien,
En adorant les Dieux ne leur demandons rien.

Les événements se précipitent ; devant les Romains et les Numides alliés les troupes de Syphax ont reculé, et Syphax lui-même est mort les armes à la main. C'est ce qu'il avait de mieux à faire pour se soustraire à la gène d'une situation fausse. Ou pardonnera donc à Mairet d'avoir altéré l'histoire, parce qu'il a rendu le drame plus simple et plus pathétique. Voici qu'il se présente déjà, ce héros toujours aimé ; plus aimé que jamais en ce moment, où la victoire lui ajoute de nouvelles grâces. Il parle naturellement le langage des héros cornéliens

Je ne refuse pas, invincibles Romains,
Ni ces cœurs généreux ni ces puissantes mains
Qui par tout l'univers, quand les causes sont bonnes,
Otent comme il leur plait et donnent les couronnes.

Mais il sait aussi parler le langage des héros de Racine, lors-