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MAI 1768.

lette. L’auteur a trouvé Molé un peu trop jeune pour le jouer, et, en effet, il demande quelque chose de posé que Molé n’a peut-être pas ; mais il ne demandait pas certainement d’être alourdi de toute la pesanteur du jeu du maussade Bellecour. Quand on voit quels pauvres acteurs nous avons, on doit s’étonner qu’une nouvelle pièce puisse réussir.

M. Targe s’est occupé pendant plusieurs années à traduire l’Histoire d’Angleterre, par Smolett ; ouvrage qui a eu une vogue passagère à Londres, mais qui n’est estimé de personne. Ce M. Smolett est un de ces écrivains méprisables qui n’ont de ressources que dans la satire pour se faire lire ; son Histoire est remplie d’allusions satiriques aux événements et aux personnages de son temps. C’est une manière bien détestable d’écrire l’histoire ; mais, en Angleterre, elle est bonne pour avoir de l’argent, et il paraît que c’est tout ce qu’il faut à M. Smolett. En France, le mérite même des allusions satiriques étant perdu, son ouvrage n’a fait aucune espèce de sensation. M. Targe, peu content d’avoir été son traducteur, a voulu devenir auteur et continuateur de M. Smolett. Il vient de publier, en cinq volumes in-12, une Histoire d’Angleterre, depuis le traité d’Aix-la-Chapelle, en 1748, jusqu’au traité de Paris, en 1763, pour servir de continuation aux Histoires de MM.. Hume et Smolett. Cet ouvrage est resté aussi obscur en France que la traduction de l’Histoire de Smolett.

— Il existe en France un M. Turpin qui n’a rien de commun avec ce comte de Turpin, alternativement hussard et novice à la Trappe, puis gendre du feu maréchal de Lowendal, et auteur d’un Traité (in-4°) sur l’art de la guerre. L’autre M. Turpin dont je vais parler ici est un homme obscur qui s’est fait continuateur des Vies des hommes illustres de la France[1], par feu l’abbé Pérau. On peut faire infiniment mieux que ce Pérau, et être encore un pauvre homme. M. Turpin a fait l’année dernière la Vie du Grand Condé, à l’insu de tout le public[2]. M. Desormeaux, qui a entrepris et achevé l’histoire du

  1. Commencées par du Castres d’Auvigny, en 1739, jusqu’au tome XIII, et continuées par l’abbé Pérau, jusqu’au vingt-quatrième volume, et depuis le t. XXIV par Turpin ; 1739 et suiv. 27 vol.  in-12. Voir tome II, p. 98.
  2. La Vie de Louis de Bourbon, second du nom, prince de Condé, par M. Turpin, 1767, 2 vol.  in-12.