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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

coup, dans sa dernière réponse, le R. P. l’Escarbotier, capucin prédicateur et cuisinier du grand couvent, de ne se point laisser séduire par le physicien de Saint-Flour ni par les autres philosophes. Il dit, à l’égard de l’Océan, que son nom ne se trouve jamais dans l’Écriture, et il en infère que cet Océan, dont on parle tant, est fort peu de chose. Ce trait et plusieurs autres dont cette correspondance fourmille, m’ont paru neufs et excellents.

— Nos théâtres ont fait cette année le contraire de ce qu’ils ont coutume de faire : ils réservent ordinairement les principales pièces nouvelles pour la saison de l’hiver, qui commence avec le mois de novembre, après le voyage de Fontainebleau, et finit à Pâques ; cette année, ils n’ont presque rien donné pendant tout l’hiver, et, depuis la rentrée de Pâques, ils se sont empressés à mettre des pièces nouvelles sur la scène. La Comédie-Française jouant alternativement la tragédie du Joueur[1] et la Gageure imprévue, le théâtre de la Comédie-Italienne, pour soutenir cette concurrence, a donné, le 4 de ce mois, la première représentation de Sophie, ou le Mariage caché, comédie en prose et en trois actes, mêlée d’ariettes.

Le Mariage caché est une imitation du Mariage clandestin, comédie de MM. Garrick et Colman, qui a été jouée l’année dernière à Londres avec beaucoup de succès. Je ne connais pas la pièce anglaise, mais on dit qu’elle est pleine de verve, et que le contraste des mœurs des marchands avec les mœurs de la noblesse la rend d’un comique très-piquant. Si M. Garrick n’est pas aussi grand poëte comique qu’il est grand acteur, il a fait des choses pleines d’esprit : il excelle surtout dans les prologues et dans les épilogues, genre particulier aux Anglais. M. Colman, que nous avons vu un moment à Paris, il y a quelques années, passe pour avoir beaucoup de talent ; il a fait plusieurs comédies qui ont toutes réussi sur le théâtre de Londres, et il vient de publier une traduction anglaise des comédies de Térence, qui est estimée.

L’auteur du Mariage caché ne s’est pas fait connaître, et son mauvais succès ne lui fera pas, je pense, quitter l’incognito, mais il faut révéler ici le secret de l’église, et je le puis

  1. Béverley, de Saurin.