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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

rabâchage de Ferney. Outre les Lettres à Eugénie[1], qui ont pour objet de débarrasser cette Eugénie des préjugés religieux, il est sorti de cette boutique depuis peu un livre intitulé Lettres philosophiques sur l’origine des préjugés du dogme de l’immortalité de l’âme, de l’idolâtrie et de la superstition, sur le système de Spinosa et sur l’origine du mouvement dans la matière, traduites de l’anglais de J. Toland. Cela fait de bon compte cinq lettres sur les matières de métaphysique les plus délicates et les plus importantes. Le nom de Toland est célèbre parmi les philosophes qui n’ont pas admis la vérité de la religion chrétienne. Les trois premières lettres du recueil ont paru en anglais au commencement de ce siècle, et sont connues sous le titre de Letter to Serena. On a prétendu que cette Serena était la reine de Prusse. Mais le célèbre abbé de Mosheim a combattu cette opinion. Il y a dans ces lettres beaucoup d’érudition et de subtilité, mais elles m’ont paru traduites avec beaucoup de négligence, et comme la délicatesse des matières a souvent obligé l’auteur de faire deviner plutôt que de dire son sentiment, cette circonstance contribue encore à rendre la traduction vague et incertaine. La plupart de ces livres philosophiques seront absolument inintelligibles pour la postérité, à cause de cette foule d’allusions secrètes dont elles fourmillent et dont la postérité ne pourra jamais avoir la clef. Tout porteur de falot ou de lanterne est obligé de dérober sa petite lumière sous son manteau, de peur d’être assommé par les aveugles qui lèvent leur bâton dès qu’ils entendent dire qu’il y a une lueur autour d’eux. On a ajouté aux lettres de M. Toland deux petites notes trouvées dans les papiers de M. Fréret. Ces notes sont très-intelligibles et n’auront besoin d’aucun commentaire auprès de la postérité ; elles sont d’une hardiesse extrême. Feu M. Fréret et feu M. Boulanger sont deux bonnes âmes qui permettent qu’on trouve dans leurs papiers tout ce qu’on craindrait de trouver dans les siens.

Il vient de sortir de la boutique de Rey encore un autre ouvrage intitulé la Contagion sacrée, ou Histoire naturelle de la superstition. Beaucoup de raisonnements communs, de répétitions à l’infini des mêmes idées, quelques bonnes pages, quelques idées si originales qu’elles paraissent nées dans une autre

  1. Ce livre et les suivants sont de d’Holbach, aidé de Naigeon.