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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

elle. Ce siècle est en tout point le siècle de l’Allemagne, et depuis la profession d’impératrice et de souverain jusqu’au métier de danseuse, tous les grands sujets en Europe ont été tirés de cette contrée.

— L’Académie royale des sciences a perdu un de ses géomètres par la mort de M. Camus[1]. Il était aussi examinateur des jeunes gens qui se destinaient au corps des ingénieurs et au corps royal de l’artillerie ; c’est sur son rapport qu’ils étaient reçus. Il était, de plus, professeur et secrétaire perpétuel de l’Académie royale d’architecture, de sorte que voilà trois places assez importantes à remplir.

— Vous connaissez depuis longtemps les talents et la verve du chevalier de Boufflers ; mais vous ne connaissez pas peut-être Mme la comtesse de Boufflers-Rouvrel, célèbre d’abord par les agréments de sa figure, et ensuite par son esprit et ses connaissances. Elle fut dans sa première jeunesse dame de compagnie de Mme la duchesse d’Orléans. S’étant brouillée dans cette cour, ses liaisons avec M. le prince de Conti lui donnèrent le rôle le plus brillant de la cour du Temple. Elle a fait une tragédie en prose qu’elle n’a jamais laissé sortir de ses mains, mais dont j’ai ouï dire beaucoup de bien. Elle a été pendant quelque temps l’amie zélée de M. Rousseau et de M. Hume. Après la dernière guerre, elle fit successivement deux voyages en Angleterre, et, voulant que son fils unique fit ses études dans une université protestante, elle l’envoya à Leyde. En général, la passion des dons et de la réputation d’esprit a succédé chez elle aux passions d’un âge plus tendre. Elle a dans la société du Temple le surnom de Minerve savante. Elle avait demandé les Fables de La Fontaine à M. le chevalier de Boufflers, qui est de la branche de Rémiancourt, si je ne me trompe, et qui lui envoya avec les Fables de La Fontaine les vers que vous allez lire :

Et c’esVoilà le bonhomme qui fit
Et c’esCent prodiges qui nous enchantent,
Et c’esDes fables qui jamais ne mentent,
Et c’esEt des bêtes pleines d’esprit.

  1. Né en 1699, mort en 1768, Camus a publié plusieurs Mémoires, un ouvrage sur l’hydraulique, et un Cours de mathématiques pour les écoles du génie et de l’artillerie. (T.)