Page:Cottin - Œuvres complètes, Ménard, 1824, tome 1.djvu/120

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un moment heureux et une suite de beaux vers. Une autre production plus connue donna les plus heureux augures, parce qu’elle était pleine de défauts, et parce qu’il est un âge où il faut avoir des défauts. Dans ce charmant ouvrage rien n’était lié, rien n’était exactement vrai, pas un tableau n’était fini, mais presque toutes les nuances les plus fines étaient adroitement saisies, les expressions partaient du fond d’une âme à qui la sagacité épargne la peine d’approfondir, qui devine ce qu’elle ne peut pas voir, ou voit toujours au-delà de ce qu’on lui montre. Je n’ai connu que deux hommes faits pour moi, disait madame de Staël, mon père et mon ami. Ce sont les deux occasions où il est permis d’exagérer et même de grossir tout-à-fait les objets ; mais cet état habituel d’enthousiasme empêche de juger sainement. Aussi madame de Staël ne sut-elle jamais bien ce que c’était que le bon sens. De là jamais de mesure ; un esprit nerveux, brillant, profond, cultivé, faillit devenir pour elle un don inutile, et vraisemblablement funeste. Née sans grâce, sans beauté, sans noblesse, elle n’avait suppléé à rien par le travail sur elle-même. Son maintien était sans dignité, son ton sans recherche, sa gaieté sans