Page:Cottin - Œuvres complètes, Ménard, 1824, tome 1.djvu/258

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égarée ; un long évanouissement a succédé à ces vives agitations. En recouvrant mes sens, j’ai vu mon époux près de mon lit, je l’ai repoussé avec effroi, j’ai cru voir le souverain arbitre des destinées qui allait prononcer mon arrêt. « Qu’avez-vous, Claire ? m’a-t-il dit d’un ton douloureux ; chère et tendre amie, c’est votre époux qui vous tend les bras. » J’ai gardé le silence, j’ai senti que si j’avais parlé j’aurais tout dit : peut-être l’aurais-je dû, mon instinct m’y poussait : l’aveu a erré sur mes lèvres ; mais la réflexion l’a retenu. Loin de moi cette franchise barbare, qui soulageait mon cœur aux dépens de mon digne époux ! En me taisant, je reste chargée de mon malheur et du sien ; la vérité lui rendrait la part des chagrins qui doivent être mon seul partage. Homme trop respectable ! vous ne supporteriez pas l’idée de savoir votre femme, votre amie, en proie aux tourmens d’une passion criminelle ; et l’obligation de mépriser celle qui faisait votre gloire, et de chasser de votre maison celui que