Page:Cottin - Œuvres complètes, Ménard, 1824, tome 1.djvu/37

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rité, et l’excite à rire. S’il vient à parler, son sérieux court encore un nouveau danger ; car il ne saurait franchir un pronom possessif, il ne saurait dire je, moi ou mon, sans que l’image d’une aussi charmante propriété ne vienne le chatouiller délicieusement ; ses traits renversés se dilatent malgré lui, et son visage cède à l’attrait du plaisir. S’entretient-il avec quelqu’un, il se place dans un point de vue qui le ravit ; c’est entre ce qu’il a dit et ce qu’il va dire : il distribue ses idées avec une confiance plénire ; et s’il s’élance quelquefois jusqu’à quelque réflexion commune, il la distribue à son de trompe ; il détache un air fier pour lui servir de cortège ; et, tout rayonnant de gloire, il se transporte à quelques pas de lui-même pour se contempler, puis il s’en rapproche pour s’entendre, et, dans cette douce occupation, troublé par une si heureuse ivresse, il est fier des tributs qu’il s’est payés lui-même. Il croit faire sur les femmes la sensation rapide qu’il fait sur lui-même. Son cristallin, heureusement construit, rassemble dans son foyer tous les rayons divergens ; et, lorsqu’à peine il est aperçu, il se croit l’objet des regards du monde : il se croit aimé, parce qu’il est aima-