Page:Cottin - Œuvres complètes, Ménard, 1824, tome 1.djvu/95

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a pris la place de la plume. Mais pourquoi faut-il que toutes ces images si sublimes ne soient peintes qu’en détrempe ? Un fol amour de la nouveauté les a créées, un talent factice les a exécutées, la raison les efface.

Pour expliquer pourquoi les gens d’esprit écrivent quelquefois sans succès, il faut nécessairement recourir à la distinction de l’esprit et du talent. Tous les hommes, sans exception, présentent deux aspects : l’un par lequel ils se ressemblent, et l’autre par lequel ils diffèrent. Or, c’est ce que les hommes ont de commun entre eux qui est important ; ce qu’ils ont de différent est peu de chose : car ils ont en commun le miracle de la vie et de la pensée, ils ne diffèrent que par des nuances très-fines d’organisation et d’éducation. La différence entre un grand homme et un porte-faix n’est presque rien aux yeux de la nature ; mais ce rien est tout aux yeux du monde. Entre une tulipe de deux sous et une de mille écus le Hollandais paie cher la différence, et cependant ces deux fleurs sont également l’ouvrage de la nature ; elles ont également des pétales, une tige, des feuilles, des racines, des couleurs et du parfum ; et c’est en effet dans cet attirail de la vé-