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PRÉLIMINAIRE.

Art qui entra néceſſairement dans le plan de la Providence, pour faire l’apanage distinctif de l’homme, & pour rendre complet l’œuvre de la Création. C’eſt par lui que les hommes ſe ſoutiennent, ſe conſolent & s’encouragent, qu’ils peignent ce que l’Univers renferme de plus inviſible, qu’ils s’élèvent juſques à la connoiſſance d’une première cauſe qui leur parle par ſes Ouvrages, comme ils ſe parlent eux-mêmes par les Tableaux du Langage.

Un Art auſſi vaſte dans ſes effets, auſſi lié avec notre exiſtence, auſſi eſſentiel pour notre bonheur, auroit-il été livré au hazard ? Auroit-il absolument dépendu de l’induſtrie humaine ? Celui qui créa l’homme, & qui le créa avec les organes néceſſaires pour parler, auroit, ſi on oſe le dire, manqué ſon but, s’il n’eût pas établi entre l’homme & l’inſtrument vocal une correſpondance ſi intime & ſi prompte, qu’il ſe prêtât à l’inſtant aux beſoins de ceux auxquels il fut donné, s’il n’avoit pas rendu les hommes capables de parler, même ſans effort & ſans peine, par un effet de leur nature & des déſirs qui en ſont la ſuite.

La parole eſt donc donnée par la Nature elle-même ; & c’eſt-là qu’il faut puiſer ſes Élémens, ſes principes, ſes modifications, les conſéquences qu’on en a tirées, les régles auxquelles elle a conduit, tous les dévelopemens qui en réſultent.

La Nature, qui peut ſeule nous conduire dans la recherche de tout ce qu’elle a produit, peut ſeule nous expliquer les merveilles de la parole, & nous les rendre plus précieuſes en nous faiſant voir qu’elles ne furent pas abandonnées à notre propre foibleſſe, qu’elles viennent de la même ſource que toutes les autres merveilles qui nous environnent & qu’offre le corps humain lui-même, ce corps dont la parole eſt une des plus belles prérogatives, & dont la réunion avec l’intelligence humaine, ſeroit ſuffisamment juſtifiée,