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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.


« Terminons cette guerre scandaleuse ; assignez à Jésus-Christ son partage : vous lui avez ravi au milieu de nous une portion de son héritage céleste, souffrez qu’il règne au moins sur les générations futures, laissez-leur nos fêtes, nos promesses et nos consolations ; gardez pour vous l’espérance du néant ; nous ne vous troublerons point dans cette poussière éternelle où vous vous promettez de descendre ; mais s’il est un Dieu rémunérateur, s’il est une félicité sans mesure, attachés à des vertus produites et consacrées par une foi soumise et généreuse, ne nous l’enviez pas. Le champ des sciences naturelles et des arts est assez vaste ! portez-y vos talens et vos lumières ; étendez les découvertes profitables, dirigez le commerce et l’industrie ; mais laissez-nous, abandonnez à nous le monde invisible que vous ne connaissez pas ; mais ce peuple ignorant, pauvre et languissant, qui souffre et qui gémit, pourquoi vous obstinez vous à lui disputer un Dieu pauvre et souffrant comme lui ? Erreur pour erreur (vous me forcez à cette sorte de blasphême que ma foi désavoue, mais l’horreur de cette supposition impie ne laissera du moins aucune ressource à votre fausse doctrine) ; erreur pour erreur, celle que nous professons et que nous avons mission d’annoncer ne pénètre-t-elle pas dans les ames avec plus de douceur et d’efficacité que toutes les vaines déclamations que l’esprit d’indépendance accumule ? Nos secours, nos remèdes, ne sont-ils pas plus populaires, plus actifs, plus universels ?

« Ah ! que les heureux du siècle se permettent de ne rien croire, je puis me rendre compte de ce délire ; mais où sont-ils, les heureux ? Quelle horrible collection de misères que ce monde ! Dans les conditions brillantes, que de joies fausses, que de désirs rongeurs, que de plaies sanglantes et désespérées ! Si l’œil d’un