Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, II.djvu/153

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
143
SUR CHRISTINE

prétendait qui s’y trouvaient. J’admire la patience qui les a comptées.

On voit par une lettre que Christine écrivit vers ce temps-là à Otto de Guericke, combien les préjugés contre le mouvement de la terre étaient enracinés à Rome. Cette princesse, qui avait renoncé au trône pour être libre, ne l’était pas assez pour dire hardiment à un étranger qu’elle croyait l’immobilité du soleil.

Bientôt après, en 1672, commença la fameuse guerre que Louis XIV soutint avec tant de gloire contre toute l’Europe jalouse de l’humiliation des Hollandais, et qui fut terminée par le traité de Nimègue. Christine n’approuvait point que la Suède fut entrée dans cette guerre, où en effet elle ne fut pas heureuse. Peut-être aussi son ressentiment était-il excité par un libelle qu’on venait de publier contre elle en France, et dont elle n’aait pu avoir satisfaction. Mais ce qui la touchait le plus, c’était la crainte de voir retardé le paiement de ses revenus. Elle envoya en 1678 à Nimègue, pour y veiller à ses intérêts, un plénipotentiaire qui y fut écouté et reçu comme l’ambassadeur d’une reine sans pouvoir. Ce plénipotentiaire élait un jeune Suédois nommé Cedercrantz. Le peu de talent et de connaissances que Christine avait remarqué en lui ne l’avait pas empêchée de lui confier le soin de ses affaires ; elle disait que son destin était de faire non-seulement la fortune, mais aussi l’esprit de ceux qui la servaient. Cependant la Suède fit remettre à Christine des sommes assez considérables aussitôt après la conclusion de la paix. Mais cette princesse rejeta absolument la proposition qu’on fit, de recevoir chaque année, à compte de ses prétentions, une certaine somme de la France. Quand on peut être son maître, répondit-elle, on ne doit pas en chercher un.

L’année suivante, 1679, les opinions des quiétistes, plus humiliantes encore pour la raison humaine que celles qui ont troublé la France dans ces derniers temps, firent grand bruit à R.ome, oii ces sortes de contestations sont méprisées pour le fond, et jugées avec beaucoup de solennité pour la forme. Le nouveau système avaitpourauteur Michel Molinos, prêtre espagnol, grand directeur, et cependant homme de bien, selon la justice que lui rendit le pape ; deux titres pour avoir beaucoup d’ennemis. Ceux qui étaient jaloux de gouverner les consciences, ne manquèrent pas de voir un hérétique dangereux dans un homme dont les idées sur la spiritualité étaient plus dignes de pitié que d’indignation. Christine, soit par compassion naturelle, soit par haine pour les persécuteurs de Molinos, soit enfin par le désir de jouer un rôle remarquable dans une affaire dont la chrétienté était alors occupée, prit si hautement le parti dt*