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SUR LES ÉLOGES.

ton différent du sien ; il faut de plus, ce qui n’est pas moins difficile, accoutumer le public à te ton, et lui persuader qu’on peut être digne de lui plaire en le conduisant par une route qui ne lui est pas connue. Car le premier mouvement du public, semblable en cela aux critiques subalternes, est de juger par imitation : il court après la nouveauté, qu’il est toujours prêt à proscrire. Il est vrai qu’il ne tarde pas à revenir de son injustice, au lieu que les critiques subalternes s’opiniâtrent dans la leur.

Les éloges que je publie sont intéressans par la célébrité de ceux qui en sont l’objet. J’ai tâché de donner à chacun la variété de ton et de style si nécessaire à ce genre d’ouvrage pour en rompre la monotonie, pour rendre en même temps chaque éloge plus analogue et, j’ose le dire, plus ressemblant à celui qui en était l’objet. Il n’a pas fallu louer du même ton Tabbé de Choisy et Bossuet, Fénélon et Despréaux, La Motte et l’abbé de Saint-Pierre. J’ai quelquefois emprunté le style des différens académiciens qui, dans leurs discours de réception, ont payé à leurs succeseurs le tribut de louanges ordinaires, ou qui ont fait dans leurs ouvrages un éloge particulier de quelques uns de leurs confrères. Quelquefois j’ai fait parler ceux même dont j’avais à entretenir mes lecteurs ; enfin je n’ai rien négligé pour soutenir et intéresser l’attention des gens de lettres, même dans les articles les plus courts ; car il en est plusieurs qui, par leur nature, ne comportaient que très-peu d’étendue.

Les notes faites sur les éloges, et qui en sont pour ainsi dire le supplément, peuvent se lire de suite ; elles renferment, ou des faits qui nous ont paru intéressans pour les gens de lettres, ou des remarques, aussi utiles que nous avons pu les faire, sur des objets de littérature et de philosophie. Elles contiennent aussi quelquefois, mais très-rarement, des détails purement grammaticaux, relatifs aux ouvrages dont certains académiciens se sont occupés.

Je demande grâce enfin pour quelques redites, courtes et peu nombreuses, que l’étendue de cette histoire peut rendre excusables, et qui concernent d’ailleurs des objets intéressans pour les lettres.

Je n’en dirai pas davantage sur ce travail ; l’amour-propre d’un écrivain croit cependant n’en avoir jamais assez dit pour recommander ses productions à la bienveillance du lecteur ; mais la manière la plus sure de se le rendre favorable, estde ne pas commencer par lui déplaire en parlant de soi trop long-temps.