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PRÉFACE.

LHistoire de l’Académie Française, publiée par Pélisson et d’Olivet, se termine au commencement du siècle où nous vivons. Duclos, que je remplace dans le secrétariat de la compagnie, avait entrepris de continuer cette histoire. Il regardait ce travail comme attaché à la place qu’il occupait : moins scrupuleux ou moins zélés que lui, ses prédécesseurs s’en étaient crus dispensés ; mais Duclos, entre autres excellentes qualités, avait celle de chercher bien plutôt à étendre qu’à abréger la liste de ses devoirs. Je m’en fais un de succéder à son zèle, et d’ambitionner au moins ce mérite, le seul qui soit en mon pouvoir. L’Académie ne sentira que trop d’ailleurs toute la perte qu’elle a faite en lui. Cette perte est trop grande pour me permettre de m’occuper ici de celle que j’ai faite moi-même. Je ne pourrais parler qu’avec douleur de l’amitié qui nous unissait l’un à l’autre ; mais en n’écoutant même que l’intérêt des lettres et de cette compagnie, je puis dire avec vérité que personne ne le regrette plus que moi, parce que personne n’a mieux su que moi combien cet intérêt lui était cher.

L’ouvrage que je me propose de continuer doit avoir deux objets ; le récit des faits généraux qui concernent l’Académie, et l’éloge des membres qu’elle a perdus. Le premier objet offre jusqu’ici peu d’événemens. Bien loin de nous plaindre de cette stérilité historique, regardons-la comme le bien le plus désirable pour une compagnie littéraire : la sécheresse de ses annales est le témoignage précieux de sa tranquillité intérieure : heureux le corps dont l’histoire est courte, ainsi que les peuples dont l’histoire ennuie ! Le second objet, l’éloge des académiciens, offre plus de champ, de variété et d’intérêt, mais n’est pas sans écueil pour l’historien. Ceux dont il doit parler sont déjà jugés sans retour par ce public redoutable, qui commence quelquefois par être séduit, mais qui finit toujours par être juste : tous les noms de nos prédécesseurs sont inscrits dans le grand livre de la postérité, à la place qu’ils méritent, et cette place n’est pas toujours également favorable à leur mémoire. Pourquoi l’Académie le dissimulerait-elle ? pourquoi même en craindrait-elle le reproche, comme si chaque place vacante pouvait toujours trouver à point nommé un mérite éminent pour la remplir, et comme si les circonstances, qui se trouvent quelquefois contraires aux intentions les plus louables, nous avaient toujours permis de suivre dans nos élections la voix publique et le vœu des gens de lettres ? L’historien de la compagnie, obligé de parler de quelques membres qu’elle a plutôt reçus qu’adoptés, se trouve pressé, pour ainsi dire, entre les mânes de son confrère, dont il doit ménager la cendre, et la vérité, plus respectable que toutes les Académies. D’ailleurs, il a souvent à distinguer le public vraiment éclairé qui doit diriger sa plume, d’avec