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DU PRÉSIDENT ROSE.

resta confondu ; et son ami, après avoir joui un moment de son embarras, s’avoua eafin pour l’auteur de la chanson (3).

Notre académicien portait quelquefois ce genre de gaieté dans les objets qui pouvaient l’intéresser le plus, et savait même l’y porter assez à propos pour en tirer avantage. Il avait marié sa fille à un grave magistrat, qui venait quelquefois lui faire de longues plaintes de l’humeur frivole et dépensière de sa femme. Ennuyé de ces remontrances fastidieuses, le président Rose dit un jour à son gendre : Assurez bien ma fille que, si elle vous donne encore sujet de vous plaindre, elle sera déshéritée. Depuis ce moment, le mari ne se plaignit plus.

Il mourut le 6 janvier 1701, âgé de quatre-vingt-dix ans. L’accès que sa place lui donnait auprès du roi, lui était surtout agréable par les moyens qu’il lui fournissait d’obliger ses confrères, et d’inspirer pour eux au monarque de justes sentimens de bienveillance et d’estime ; éloge que ses pareils n’ont pas toujours mérité. On peut lui reprocher cependant d’avoir, par amitié pour Despréaux et R.acine, retardé l’entrée de Fontenelle à l’Académie Française (4). On trouve là-dessus un passage curieux dans une lettre assez peu connue, où Racine écrit à Despréaux[1] : Je suis comme vous touf consolé de la réception de Fontenelle. M. Rose est fâché ^ dit-il, de voir V Académie aller de mal en pis. Cet homme, qui devait faire aller l’Académie de mal en pis, occupe aujourd’hui dans notre liste une place que (^, président Rose, quoiqu’estimable d’ailleurs, serait très-heureux de partager. On peut dire cependant, à la décharge de notre académicien, mais non pas de son conseil, que dévoue, comme il l’était, aux opinions des deux écrivains illustres qui étaient alors les oracles de la littérature, il était bien difficile que dans cette occasion il ne fût pas injuste sans le vouloir et vsans le croire. Fontenelle racontait qu’il avait essuyé, grâce au président Rose et à ses amis, quatre refus successifs, quoiqu’il eut pour concurrens des hommes peu dignes de lui être préférés. Je l’ai soui^ent dit, ajoutait-il, à des candidats qui se plaignaient d’auoir été plusieurs fois éconduits ; mais fai eu beau me citer pour exemple, je n ai jamais consolé personne.

1. CeUe lettre est écrite du camp devant Mons, le 3 avril i6gi. On peut U voir dans le recueil des Lettres de Racine, publiées par son fils.

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