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DE CLERMONT-TONNERRE.

la phrase qui, dans le discours imprimé, suit immédiatement ce qu’on vient de lire ; phrase qui a évidemment été prononcée, et qui paraît nécessairement liée à ce qui précède. Vous le voyez, messieurs, dit le récipiendaire, et je le sens encore plus ; je tremble de peur, et je suis transporté de joie. Ce langage n’est celui ni de l’orgueil, ni de la présomption ; il ne parait pas même être le masque transparent d’une fausse modestie, mais l’expression sincère d’un sentiment naturel et vrai ; la vanité qui se déguise et se cache, ne s’exprime pas avec une timidité si naïve[1].

Si M. de Clermont-Tonnerre paraît avoir loué sincèrement l’académicien auquel il succédait, on prétend que la même franchise ne se trouve pas dans la réponse que l’abbé de Caumartin, depuis évéque de Blois, lui fit en qualité de directeur. Cette réponse parut à Rassemblée une ironie perpétuelle, et ce que nous appellerions aujourd’hui une espèce de persij/lage, cil l’on se moquait finement du prélat en paraissant l’accabler de louanges, et où l’on parait la victime pour l’immoler. Le directeur, témoin de l’effet qu’avait produit ce discours, se défendit beaucoup de l’intention maligne qu’on lui prêtait ; mais soit justice, soit fatalité, il eut le malheur de ne convaincre personne ; le coup était porté, et le public, grâce à la bonté qui lui est naturelle, était prévenu sans retour : comment u’faire prendre pour un éloge ce qui ne lui avait paru qu’une satire adroite et sourde, qu’il était si flatté et si content d’avoir aperçue et déniêlée ? Celte persuasion générale se trouvait, par un nouveau malheur, fortifiée d’une opinion dont le poids était bien redoutable, scelle de Louis XIV lui-même. L’abbé de Caumartin avait parlé c^ns son discours de l’accueil que le roi faisait au prélat, et en avait parlé d’une manière assez équivoque i)onr faire croire qu’il associait le monarque aux plaisanteries dont l’évêque de Nojon était souvent l’objet parmi les charilablos liabitans de Versailles. Le monarque, en effet, ne dédaignait pas de se joindre quelquefois à eux. M. V évéque de Nojon, dit madame de Coulanges dans une lettre à madame de Sévigné, fait toujours V amusement de la cour ; Usera reçu après demain à l’Académie, et le roi lui a dit qu’il s’attendait à être seul ce jour-là. C’est ainsi que le prince elïleurait quelquefois l’évêque de Noyon ; mais la majesté royale prétendait rire toute seule’C’en est assez pour rcpondie encore h quelques antres fabricatenrs d’anecdotes, qui prétendent que si l’cvèque de Noyon enl enfin la complaisance de rendre hommage h la mémoire de son prc’dccesscur, ce fut uniijnement par la crainte qu’on lui inspira, que, pour le punir de s’être dispense de ce devoir, inn successeur ne lui rendît un jour la pareille, et ne lui refusât aussi le tribut dVloges que réclameraient ses cendres.

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