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APOLOGIE

et ne trouvait pas bon qu’on voulut changer en un trait perçant rironie qu’elle avait voulu légèrement aiguiser. Aussi les ennemis de l’abbé de Caumartin, car son mérite lui en avait fait plus d’un parmi les ecclésiastiques courtisans, qui voyaient en lui un rival pour l’épiscopat, ne manquèrent pas de faire envisager au roi la libellé que le directeur de l’Académie avait prise, comme un manque de respect pour sa personne ; le roi le crut, et le crut si bien, qu’il en témoigna son mécontentement de la manière la plus marquée. L’abbé de Caumartin, pour ôter à la malignité publiijuela satisfaction de faire plus en détail le commentaire de sa harangue, prit le parti de ne la point donner à l’impression. Elle ne parut que long-temps après, lorsque la mort des personnes intéressées eut détruit tout le piquant de celte prétendue satire ; elle a même osé se montrer dans les derniers recueils des harangues de l’Académie, oii l’on ne songe plus guère à l’aller chercher. Ceux qui seraient curieux de la lire, pourront juger par eux-mêjnes de l’imputation que l’auteur a essuyée. Le souverain juge de nos pensées, devant qui l’abbé de Caumartin a paru depuis long-temps, sait mieux que nous l’intention qu’il avait inspirée à l’orateur, et a prononcé sur ce péché si l’accusé en est coupable. Nous nous croyons pourtant obligés de dire, que si le directeur eut dessein en cette occasion d’immoler bénignement le récipiendaire à la risée publique, il eut un tort très-grave, et à l’égard de son confrère, et à l’égard de son corps. Quelque jugement que l’orateur de la compagnie porte en secret sur celui qu’il est chargé de recevoir, lui eût-ii refusé son suffrage, eut-il traversé son élection, fût-il même son ennemi, il doit oublier tout, dès qu’il se trouve à^la tête de la société respectable qui vient d’adopter le nou^l académicien ; simple organe de ses confrères en cette circonstance, et réduit à exprimer leurs sentimens, lors même qu’ils ne sont pas les siens, il est, au moins pour ce moment, voué, ou, si l’on veut, condamné à l’éloge, comme le récipiendaire l’est à la timidité et à la modestie. L’évêque de Noyon, ainsi que nous l’avons vu, avait fait son devoir de récipiendaire : nous laisserons à décider si l’abbé de Caumartin fit son devoir de directeur.

Les compilateurs d’Ana ont encore débité que l’abbé de Caumartin avait lu son discours à l’évêque de Noyon avant de le prononcer à l’Académie ; que le prélat ne s’aperçut pas de l’ironie perpétuelle qui en faisait la substance ; qu’il n’en fut averti que par l’impitoyable public, et que ses amis, ou ceux qui feignaient de l’être, lui ayant marqué leur étonnement d’une si lourde méprise, il répondit : Quand il nia lu son discours, fêtais si plein de moi, et si vide de lui, que je ne me suis douté