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DE CLERMONT-TONNERRE.

de rien ; réponse qui a besoin, pour être vraisemblable, qu’on veuille bien supposer M. de Clermont-Tonnerre assez absurde dans sa vanité, pour avouer qu’il était plein de lui, et pour ajouter que cette plénitude, qu’on nous passe cetle expression, l’avait fait tomber dans le piège le plus humiliant pour son amourpropre.

Mais ce qui répond victorieusement à cette satire, si c’en est une, et même à toutes les autres, ce qui fait le plus grand honneur à celui qui pouvait se croire oiFensë si cruellement et si publii [uement par le directeur même de l’Académie, c’est que M. de Clermonl-Tonnerre exerça contre l’ofTenseur, réel ou supposé, la vengeance la plus édidante et la plus noble. Le nouvel académicien tomba dangereusement malade assez peu de temps après sa réception ; voulant mourir en chrétien et en évêque, il désira de voir l’abbé de Caumartin, l’assura qu’il oubliait tout ce qui s’était passé, promit de lui en donner des preuves s’il revenait â la vie, et les lui donna en effet dès que les circonstances le permirent. Il sollicita auprès du monarque, avec plus de zèle à la vérité que de succès, les honneurs de l’épiscopat pour l’abbé de Caumartin : Louis XIV, mécontent de sa harangue, s’obstina toujours à les lui refuser ; il ne les obtint qu’après la mort du roi, et dans le même temps oii l’éloquent oratorien Massillon, constamment écarté de l’épiscopat, sous Louis XIV, par les jésuites La Chaise et Le Tetellier, y était appelé par le régent, qui n’avait point de jésuite pour confesseur. L’évêque de Noyon, qui n’existait plus quand l’abbé de Caumartin fut nommé évêque, n’eut pas la satisfaction qu’il méritait, de voir le succès des généreuses démarches qu’il avait faites en sa faveur ; mais les cœurs honnêtes, qui tiennent compte à chacun de ses bonnes actions, avoueront du moins qu’avec tant de noblesse dans l’âme, M. de Clermont-Tonnerre peut être excusable de l’avoir quelquefois poussée trop loin ; car ne pourrait-on pas dire de l’élévation des sentimens, ce qu’un grand poète a dit de l’amitié ?

Seul mouvement de Tâme où l’excès soit permis.

M. l’évêque de Noyon a donné, dans plusieurs circonstances, des preuves d’une fierté estimable et bien placée : tout le monde sait sa réponse à Louis XIV, qui, comptant avec satisfaction parmi ses domestiques lesplus grands seigneurs de son royaume, lui demandait un jour pourquoi la maison de Clermont-Tonnerre, d’une noblesse si ancienne, n’avait été illustrée par aucune charge à la cour ; c’est, dit l’évêque de Noyon, parce qucines ancêtres étaient trop grands seigneurs pour sentir les