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ARTICLE

rangue, quelque mérite qu’elle eût, ni peut-être aucune du même genre, ne valent, à notre avis, celle que l’archevêque de Paris, Vintimille, fit à Louis XV à la tête d’une autre assemblée du clergé. Ce prélat, qui ne se piquait ni d’éloquence ni de mémoire, mais de naturel et de franchise, ne voulait ni faire orner ou gâter par des mains étrangères, ni réciter par cœur en balbutiant ce qu’il sentait avec vérité, et qu’il désirait d’exprimer de même. Sire, dit-il au roi en deux mots, je viens assurer votre majesté, au nom du clergé de France, que nous sommes ses plus fidèles sujets, et toujours prêts à faire ce que nous croirons lui être agréable. Je crois, sire, que cette harangue en vaut bien une autre[1].

Le même Fontenelle, qui avait harangué le cardinal Dubois à l’Académie, et qui haranguait le clergé par sa bouche, passe encore pour être l’auteur de l’épitaphe également sage et ingénieuse qu’on a faite à ce ministre dans l’église de Saint-Honoré, oii se voit son mausolée. Après avoir mis, selon l’usage, au-dessous des tristes mots, hic jacet, la liste pompeuse de toutes les dignités que le cardinal n’avait plus, l’auteur de l’épitaphe, sans hasarder des éloges que la gravité du lieu ne comportait guère, a simplement ajouté ce peu de lignes, oii il emprunte d’une manière heureuse le langage de l’Écriture. Nous demandons permission aux dames de rapporter les mots latins avant la traduction, qui ne pourra guère en rendre toute l’énergie : Quid autem sunt hi tituli, nisi arcus coloratus, et fumus ad modicum parens ? Viator, solidiora et stabiliora bonamortuo precare (Mais qu’est-ce que tous ces titres, sinon un arc-en-ciel passager, et une fumée prompte à disparaître ? Passant, demande à Dieu pour le défunt, des biens plus solides et plus durables). Cette épitaphe, par son édifiante et austère brièveté, rappelle le laconisme plus énergique encore de celle du cardinal Barberin, aux capucins de Rome. Hic jacet cinis et nihil (Ci gît de la cendre et rien). Combien d’oraisons funèbres, si l’on n’y mettait que la vérité, devraient se réduire à ce peu de mots, ou tout au plus à ceuxci, qu’on lisait autrefois dans un lieu chargé d’épitaphes, et qu’on n’aurait jias dû en effacer :

Tous ces morts ont vt’cu ; toi qui is, tu mourras (6).

Dans le mausolée du cardinal Dubois, le sculpteur n’a pas été moins heureux que l’auteur de l’inscription mortuaire. On voit sur un tombeau le cardinal à genoux, ayant devant lui un livre ouvert oli est le miserere, et tournant les yeux vers le peuple, comme pour engager les fidèles à fléchir avec lui par cette prière la miséricorde du souverain juge.

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