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DU CARDINAL DUBOIS

Un académicien encore vivant voulait, dans son discours de réception, louer le cardinal de Richelieu d’une manière nouvelle ; entreprise ambitieuse et difficile. S’il eût suivi la première idée qu’il avait eue pour cet éloge, il eût, à coup sûr, déroulé de même quelques lecteurs aussi avisés que le journaliste batave, qui se savait si bon gré d’avoir lu dans le discours de Fontenelle, utile au lieu d’inutile. Cet académicien se proposait de dire que les adulateurs qui auraient à louer des ministres, accorderaient toujours à Richelieu la seconde place, tant il était sûr de la première, à peu près comme on a été si souvent chercher Trajan et Titus, pour mettre au-dessus d’eux tant de monarques, qui sûrement ne les ont pas déplacés. L’académicien avait donc projeté de donner à l’éloge du cardinal la tournure suivante : Ce ministre, au-dessus duquel on mettra toujours les ministres qu’on voudra exalter. Quelque périodiste plein d’esprit, car il y en a plus d’un qui entend à demi-mot, n’aurait pas manqué de dire qu’au-dessus était une faute d’impression, et qu’il fallait lire au-dessous. Ce ne fut pourtant pas un motif de charité pour les journalistes qui détermina l’académicien à suppi’iraer cette phrase ; c’est qu’en y réfléchissant, elle lui parut avec raison trop subtilement épigramniatique ; ceux de ses auditeurs qui auraient le mieux entendu finesse, auraient jugé, non sans fondement, que cette manière de s’exprimer, si curieusement éloignée de la Ibrme ordinaire, renfermait implicitement un trait de satire trop aiguisé pour être senti par la multitude, et qui par cela même perdrait une grande partie de son effet ; trait d’ailleurs trop peu sérieux, poiu’être à sa place dans lui discours académique, qui doit être froid à force d’être grave.

(4) Le discours que le cardinal Dubois prononça à la première séance de l’assemblée du clergé, à laquelle il présida en 1723, était, comme nous l’avons déjà dit, l’ouvrage de Fontenelle, et son discours de réception à l’Académie fut l’ouvrage de La Motte. Nous mettrons ici ces deux excellens discours, l’un et l’autre peu connus ; et nous marquerons en italique, dans le second, les traits qui décèlent évidemment la main de Fontenelle, dont ils sont, pour ainsi dire, le cachet et la signature. Il nous semble que dans le discours fait par La Motte, la finesse a une expression plus naturelle, et que dans l’autre elle s’exprime avec une simplicité plus recherchée, mais toujours avec la décence et la mesure convenables au lieu, à l’auditoire, et même à l’orateiu’.

Discours de réception du cardinal Dubois à l’Académie Française[1].

« Messieurs, je n’avais pas besoin de la reconnaissance que m’im-

de fatum (destin), parce qu’elle croit ce mot injurieux à la Providence. Un auteur qui avait besoin de ce mot imprima partout flans son ouvrage facta au lieu de fata, et fit mettre dans la table des corrections, facta, lisez fata. Un inquisiteur, charge d’examiner un livre que Naude voulait faire imprimer à Rome, y ayant lu ces mots : Virgo fata est (la Vierge dit), écrivit à la marge ; Propositio hœretica, nam non datur fatum (Proposition hérétique, car il n’y a point de fatum).

1. Ouvrage de La Motte.

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