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NOTES SUR L’ARTICLE

de despotisme, tant reproché à la société dont il était membre. Aussi fit-on, après sa mort, un règlement qui exclut à l’avenir les réguliers des places d’honoraii’es, et ne leur laisse que celle d’associé libre, où, n’ayant point de suffrage, ils intrigueraient et cabaleraient en pure perte : bornés, par cette sage précaution, à l’avantage si noble de ne porter dans les sociétés savantes que leurs connaissances et leurs talens, ils se voient dans l’heureuse impuissance d’y êlie dangereux par leur crédit, et nuisibles par leurs manœuvres.

(9) Cet éloge du P. Le Tellier, si l’on doit lui donner ce nom, mérite d’être transcrit ici nar sa singulière brièveté.

« Michel Le Tellier naquit auprès de Vire, en Basse-Normandie, le 16 décembre 1645, et fit ses études à Caen, au collège des jésuites, qui en jugèrent si favorablement, qu’ils le reçurent parmi eux dès l’âge de dix-sept à dix-huit ans. Après y avoir l’égenlé avec succès la philosophie et les humanités, ses supérieurs parurent le destiner uniquement aux lettres. Il fut chargé de travailler sur Quinte-Curce, pour l’usage de Monseigneur ; et l’édition qu’il en donna en 1678, le. fit choisir, avec quelques autres pères distingués par de semblables travaux, pour établir à Paris, dans le collège de Clermont, une société de savans, qui succédât aux Sirmond et aux Petau : mais ce projet, dont l’exécution était naturellement assez difficile, fut encore dérangé par le goût que le P. Le Tellier prit pour un genre décru’e tout différent, qui le conduisit par degrés aux premiers emplois de sa compagnie. Il y fut successivement reviseur, recteur, piovincial. Enfin le P. de La Chaise étant mort en 1709, le P. Le Tellier fut nommé confesseur du roi, et académicien honoraire de cette Académie. Il est mort à la Flèche, le 2 du mois de septembre dernier, âgé de soixante-seize ans. »

On peut regarder ce soi-disant éloge comme une espèce d’épitaphe assez semblable à celle du cardinal Dubois, mais d’un laconisme plus aride encore et plus affecté. Cependant le jésuite si sobrement loué n’était pas, à beaucoup près, sans mérite, au moins comme homme de lettres ; son Quinte-Curce, dont il est parlé dans cet éloge, passe pour un des meilleurs ouvrages de la collection des Dauphins. Si le secrétaire de l’Académie des Belles-Lettres n’eut pas eu la bouche fermée par des ordi’es supérieurs, peut-être assez mal entendus, il eût mieux fait de louer, comme il le devait, les talens du P. Le Tellier, sans dissimuler le mal qu’il avait causé par son fanatisme et ses intrigues. Un tel éloge eût été à la fois une leçon et un acte de justice ; celui » qu’on vient de lire n’est qu’une satire déguisée, sans utilité comme sans sel.

(10) Un écrivain célèbre, qui avait fort connu le cardinal Dubois, assure qu’un jour on l’entendit se disant à lui-même : Tue-toi donc, tu n’oserais. C’était sans doute dans un de ces momens où il éprouvait aec tant de désespoir les dégoûts attachés à sa situation.

(11) Il s’en fallait beaucoup que le poids et les orages du ministère