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DE BERNOULLI.

tait acquise, les élèves que l’Europe lui envoyait de toutes parts, les honneurs que le gouvernement et les citoyens s’empressaient de rendre à un e’tranger, furent sans doute les ressorts qui soulevèrent l’envie. Souvent il en a fallu moins pour exciter de plus grands troubles : et rien ne doit étonner en ce genre, quand on songe qu’une partie de la terre a été bouleversée, et que le système de l’Europe a changé de face, parce qu’un moine a été préféré à un autre pour prêcher les indulgences.

Il est du moins certain que ni les ouvrages, ni les discours même de Bernoulli ne pouvaient fournir de prétexte raisonnable pour l’attaquer. Sincèrement attaché à la religion, il la respecta toute sa vie sans bruit et sans faste. On a trouvé parmi ses papiers des preuves par écrit de ses sentimens pour elle ; et il faudra augmenter de son nom la liste des grands hommes qui l’ont regardée comme l’ouvrage de Dieu : liste capable d’ébranler, même avant l’examen, les meilleurs esprits, mais suffisante au moins pour imposer silence à une foule de conjurés, ennemis impuissans de quelques vérités nécessaires aux hommes, que Pascal a défendues, que Newton croyait, et que Descartes a respectées.

Dans ce même temps il avait une dispute moins importante sur le phosphore du baromètre avec quelques membres de l’Académie des sciences de Paris. Picard avait découvert le premier, en 1675, que son baromètre, secoué dans l’obcurité, donnait de la lumière, principalement à sa partie supérieure. On tenta la même chose sur d’autres baromètres ; mais il s’en trouva très-peu qui eussent cette propriété. Bernoulli ayant réitéré l’expérience de différentes manières, crut qu’une pellicule, qui se formait sur la surface du mercure, lorsqu’il n’était pas bien net, et l’air qui pouvait rester dans le baromètre, étaient les causes qui empêchaient la lumière ; et il conclut de là, que pour qu’un baromètre eût la propriété d’être lumineux, il fallait que le mercure fut très-pur, qu’il ne traversât point l’air quand on le versait dans le baromètre, et que le vide du haut du tyau fût aussi parfait qu’il poyvait l’être. L’académie ayant réitéré l’expérience suivant les vues de Benioulli, ne trouva ces conditions, ni toutes nécessaires, ni toutes suffisantes : elle objecta à l’auteur quelques baromètres, dont les uns ne rendaient point de lumière, quoique construits d’après ces conditions, et dont les autres, construits sans précaution, étaient cependant lumineux. Bernoulli répondait sur les premiers, qu’apparemment le mercure n’en était pas encore assez net, ni assez purgé d’air ; et sur les autres, que le mercure en était peut-être plus pur qu’on ne l’imaginait. Hartsoeker, dont le goût pour la contradiction était assez décidé, attaqua quelques années après, par les plus mauvaises raisons, le senti-