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ÉLOGE

ment de Bernoulli ; et celui-ci fit soutenir sur ce sujet, en 1719, une thèse très-mortifiante pour son adversaire, qui, de son côté, ne le ménageait pas. On crut voir renouveler ces guerres littéraires où les auteurs du seizième siècle se prodiguaient les épithètes les plus savantes et les plus injurieuses, et apparemment l’Allemagne n’avait pas encore perdu cet usage. Au reste, on a lieu de juger, par la lecture d’un mémoire imprimé dans le recueil de l’Académie des sciences, en 1723, que Bernoulli était assez bien fondé à soutenir son opinion. Les conditions que nous venons de donner d’après lui pour le phosphore du baromètre, sont à peu près celles que donne Dufay dans ce mémoire, et qu’il dit avoir apprises d’un vitrier allemand.

En 1705, Bernoulli publia son excellente dissertation, intitulée : Motus rejjtorius ; en faisant glisser des courbes les unes sur les autres, suivant une certaine condition qu’il détermine, il en produit par ce moyen de nouvelles dont la longueur est égale k celle des courbes génératrices.

Le recueil de l’Académie, en 1710 et 1711, nous offre deux autres ouvrages. Dans celui de 1710 il se propose de trouver la courbe que décrit un corps lancé suivant une direction quelconque, avec une vitesse connue, et attiré vers un point fixe par une force centrale qui agisse suivant une loi quelconque. Newton avait donné dans son livre des Principes la solution de ce problème ; Bernoulli prétendit qu’elle était obscure et insuffisante, et on n’est pas peu surpris quand on voit que la sienne n’en diffère presque en rien. Newton, selon lui, n’avait pas suffisamment démontré qu’un corps jeté suivant une direction connue, et attiré par une force centrale réciproquement proportionnelle au carré de la distance, devait décrire une section conique. Cependant il est évident qu’un corps ainsi lancé ne saurait se mouvoir que suivant une seule et unique loi, et que par conséquent, s’il peut décrire une certaine courbe, il doit la décrire en effet. Or Newton avait déterminé la section conique sur laquelle le projectile pouvait se mouvoir ; il avait donc entièrement satisfait à la question. Ce fut la réponse des géomètres anglais, intéressés à la gloire de leur compatriote, et uniquement occupés du soin de la défendre. On sera peut-être étonné, si on connaît un peu le cœur humain, qu’ils ne cherchassent pas plutôt à la diminuer : mais n’en faisons pas entièrement honneur à leur équité ; les hommes, tout injustes qu’ils sont, ne le sont pourtant que jusqu’à un certain point ; et la supériorité, quand elle est extrême, fait pour eux comme une classe à part, qu’ils regardent sans envie. Si les concitoyens de Newton n’étaient pas jaloux de son mérite, c’est qu’ils le voyaient trop au-dessus d’eux.