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DE BERNOULLI.

Bernoulli se vengea de l’infortune littéraire qu’il avait eue en 1724, en remportant plusieurs années de suite le prix de l’Académie des sciences. Sa pièce de 1730, sur la manière d’expliquer par les tourbillons la forme et les propriétés des orbites des planètes, est remarquable par les efforts qu’il fait pour défendre un système que Newton croyait avoir anéanti. La profonde géométrie qui règne dans cet ouvrage, la supériorité de l’auteur sur ses concurrens, et peut-être la prédilection naturelle à des Français pour l’hypothèse qu’il défendait, lui valurent le prix, malgré une erreur de calcul, qui sans doute n’avait pas échappé à la pénétration de ses juges.

En 1734 parut l’essai de Bernoulli sur la physique céleste. Il tâchait d’y expliquer par une hypothèse nouvelle les principaux points du système du monde, et surtout la cause de l’inclinaison des orbites des planètes, que l’académie avait proposée. Si on remarque dans cet ouvrage un grand nombre de choses que la saine physique refuserait peut-être d’adopter, on doit d’un autre côté y admirer l’adresse avec laquelle l’auteur fait valoir en sa faveur tout ce que les ressources d’un génie inventif peuvent, fournir de séduisant ou de plausible ; et le suffrage de l’académie, sans répondre du succès de ce travail, en a du moins été la récompense. De plus, la question qu’il fallait résoudre était du nombre de celles qui n’admettent aucune explication dans le système newtonien ; Bernoulli, qui d’ailleurs n’était pas trop favorable à ce système, et qui ne trouvait point dans celui de Descartes une explication satisfaisante de ce qu’il cherchait, fut obligé d’en imaginer un autre ; et quelle est l’hypothèse qui satisfait à tout ?

Voilà les principaux ouvrages d’un homme dont les mathématiques conserveront à jamais le nom. Un écrit beaucoup plus long que celui-ci n’eût pas suffi pour les indiquer tous ; et ceux que nous avons omis feraient encore honneur aux plus grands géomètres.

Bâle était sa patrie ; il est juste de faire honneur à cette république d’un citoyen qu’elle a toujours distingué, puisque tant de personnages célèbres ont fait après leur mort la gloire de leur nation, qui les avait oubliés pendant leur vie.

Il était depuis long-temps le premier des associés étrangers de l’Académie des sciences de Paris ; sans doute les Grousaz, les Wolf, les Sloane, les Poleni, etc., dont les noms remplissaient alors cette liste, se voyaient avec complaisance à côté d’un homme que les Euler, les Bradley, les Daniel Bernoulli eussent été flattés de voir à leur tête. Si la mort de Bernoulli a laissé un grand vide, l’académie n’a eu que l’embarras du choix pour le remplir.