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DE L’ABBÉ DE CHOISY.

NOTES.

(1) Lorsque Monsieur se retira à Blois, dit l’abbé de Choisy dans ses Mémoires, mon père pensa être chassé. Le cardinal Mazarin l’accusait d’avoir voulu faire révolter le Languedoc… Il avait pourtant toujours été dans les intérêts du roi préférablement à ceux de Monsieur ; mais il n’avait pas cultivé le cardinal. Chargé d’une négociation qui exigeait de l’argent (et le roi n’en avait pas), il alla en Hollande emprunter deux cent mille écus sur son crédit, et n’en fut remboursé que six ans après. Cette petite injustice (si pourtant j’ose parler ainsi[1]), qu’on a faite à mon père, révolta ma mère à l’excès ; et son dépit fut poussé à bout lorsqu’à la mort de Monsieur elle perdit la charge de chancelier qui valait cent mille écus.

(2) C’est ce qu’on a dit en particulier du roi d’Espagne, Charles II, gouverné par les jésuites et par des ministres vendus à la cour de Vienne. C’était ce pauvre roi qui, apprenant la prise de Mons par Louis XIV, et ignorant que cette ville était à lui, disait en soupirant : Voilà une grande perte pour le roi d’Angleterre ! et ce prince était le maître d’une grande monarchie ! Malheureuse espèce humaine, par quels hommes vous êtes souvent gouvernée !

(3) Il prit tant de goût pour cet habillement, qu’il ne le quitta presque pas jusqu’à la fin de ses jours ; mais ce qui n’est pas moins affligeant, et ce qui prouve la frivole indulgence de la nation française pour les choses jnême les plus ridicules, c’est qu’après s’être moqué d’abord d’une si étrange mascarade, en peu de temps on s’y accoutuma si bien, qu’on le recevait partout en habit de femme, sans presque y faiie attention : il ne craignait pas même de se montrer à Versailles avec ce singulier travestissement ; malheureusement il fut un jour rencontré dans cet état au jeu de la reine, par le sévère duc de Montausier, qui, oubliant la présence de cette princesse et des femmes de la cour, dit au jeune hermaphrodite, avec la rudesse un peu brutale dont il faisait profession : monsieur ou mademoiselle, car je ne sais comment vous appeler, vous devriez mourir de honte d’aller de la sorte habillé en femme, lorsque Dieu vous a fait la grâce de ne le pas être. Allez vous cacher ; monsieur le Dauphin vous trouve très-mal ainsi… Pardonnez-moi, monsieur, répondit le jeune prince, je la trouve belle comme un ange.

Cette espèce de démence (car pourquoi ne pas l’appeler par son nom ?) n’eût été, après tout, qu’une folie sans conséquence, si l’abbé de Choisy n’en avait pas abusé dans une circonstance très-grave ; l’histoire n’en est que trop connue, nous ne la répéterons point, par ména-

Nous prierons le lecteur d’observer la bassesse de cette parenthèse, si ce style de valet, ou plutôt d’esclave, n’eût été alors le style à la mode.

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