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NOTES SUR L’ÉLOGE

Oh ! le bon séminaire, la bonne retraite qu’un navire ! on est en paix dans sa petite chambre : personne ne vient vous interrompre »

« Croiriez-vous que je viens de faire un sermon, et que peut-être je le dii-ai ? cela est un peu téméraire : commencer à prêcher à quarante-deux ans ! nous verrons comment cela se passera : je sentirai bien si je ne fais rien qui vaille, et je me le tiendrai pour dit. J’ai eu toute ma vie la fantaisie de prêcher, dans des temps où je prêchais fort peu d’exemple : Diaintenant, que Dieu m’a fait la grâce de rentrer en moi-même, et que je me vois prêtre pour toute l’éternité, je veux au moins essayer, et jamais je ne trouverai une plus belle occasion. Si je pouvais parvenir à faire un’bon prône à Gournay[1], ce serait là toute mon ambition, car je ne crois pas que je me serve du crédit de M. le grand-aumônier pour prêcher à Versailles

» J’ai fait aujourd’hui mon coup d’essai : j’ai prêché pour la première fois de ma vie. Ce ne sera pas la dernière : c’est vous dire assez nettement que je ne suis pas rebuté de moi. Je n’ai rien à vous dire sur la composition : comment faire sur un navire, sans livres et sans secours ? J’ai dit ce que j’ai pu ; et de bons matelots sont contens de peu. Mais ce qui m’a plu, c’est que je n’ai point eu peur, et je n’ai point dit servilement mot à mot ce que j’avais écrit

» Je ne prends plus la peine de vous dire quand je prêche ou quand je ne prêche pas ; quand on est rompu à un métier, on ne s’en fait plus de l’ête. Cependant, à dire le vrai, j’ai pensé manquer aujourdhui. J’ai oublié tout-à-fait le commencement de mon premier point. Qu’ai-je lait ? j’ai battu la campagne ; j’ai redit en autres termes un peu plus lamiliers ce que je venais de dire d’un style sublime ; et ainsi, en pelotant, j’ai rattrapé ce que j’avais à dire. Je crois que le pauvic P. Tachard a sué pour moi ; mais peu de matelots s’en sont aperçus… »

(8) Nous avons dit que ce journal était écrit avec une gaieté dont le sujet ne paraissait pas trop susceptible. En voici un exemple sur cette phrase : Si j’étais que de vous, je ferais telle chose. — Il faut, messieurs, dit le président Rose, que je vous fasse à ce propos une petite historiette. Au voyage de la paix des Pyrénées, un jour le maréchal de Clerembault, le duc de Créqui et M. de Lyonne causaient, moi présent, dans la chambre du cardinal Mazarin. Le duc de Créqui, en parlant au maréchal de Clerembault, lui dit dans la chaleur de la conversation : M. le maréchal, si j’étais que de vous, j’irais me pendre tout-à-l’heure. Eh bien ! répliqua le maréchal, soyez que de moi.

Dans un autre endroit, l’abbé de Choisy parle d’un académicien qui trouvait alternativement des raisons pour des opinions contraires. Il ressemble, dit l’abbé de Choisy, à feu M. de Marca, qui, dans les assemblées du clergé, soutenait tantôt un avis, tantôt un autre, selon les circonstances, et avait toujours à nous alléguer quelque canon qui paraissait fait exprès pour lui.

1. C’était le prieuré de M. l’abbé de Daugeau.

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