Page:D’Haussonville - Souvenirs et mélanges.djvu/51

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ne les avait touchés d’aussi près. Que résoudre ? accepter ou refuser ? Accepter, c’était rompre avec son parti, risquer de se brouiller avec un monde à l’esprit caustique et d’humeur peu tolérante. Affronter la mauvaise humeur de l’Empereur, pas moyen d’y songer. Combien de secrets conciliabules furent tenus pour décider cette embarrassante question. Mon père ne consulta personne. Sa femme lui avait demandé d’agir comme bon lui semblerait, prête à accepter les conséquences de sa détermination. Mon père avait peu de goût pour les fonctions qu’on lui jetait à la tête. Il demanda, mais en vain, qu’on lui donnât un grade dans l’armée ; il était évident qu’on tenait moins à l’avantage politique d’attacher au régime nouveau une certaine classe de la société qu’au plaisir assez frivole de se composer un entourage aristocratique ; on voulait surtout faire reparaître les anciens noms à la nouvelle Cour. Quoi qu’il en fût, mon père, en acceptant, entendit prendre une détermination sérieuse et sincère ; il dédaigna de se représenter comme contraint et forcé. Il regardait comme au-dessous de lui de dénigrer, dans le particulier, le souverain qu’il allait servir en public, et de faire secrètement opposition au régime auquel il venait de se rallier.

Les chambellans furent présentés en masse à l’Empereur. Après la présentation, le grand Maréchal du palais, Duroc, lui demanda quelles personnes il dési-