Page:Dante - La Divine Comédie, Le Purgatoire, trad. Ratisbonne, 1865.djvu/20

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pourrait-elle se fatiguer ? D’ailleurs, à ces tableaux de douleurs auxquels l’Enfer nous a déjà habitués, avec quel art le poète a su mêler des épisodes gracieux, des récits touchants ou terribles, des descriptions enchanteresses ! Casella, Manfred, Sordello, la Pia, Oderisi, Mathilde et le Paradis terrestre, Béatrice quand elle se montre enfin au poète amoureux qui la reconnaît à son parfum, autant de tons différents, autant de pages inimitables ! Dante est bien, comme Manzoni l'a nommé, le maître de la colère et du sourire. C’est, hélas ! aussi un maître en scolastique ; il a, dans le Purgatoire plus que dans l’Enfer, de terribles digressions philosophiques, théologiques, voire même astronomiques, et c’est l’astronomie de Ptolémée. En maints endroits la concision énigmatique familière au poète ajoute à l’obscurité de diverses allusions de mythologie ou d’histoire ancienne et contemporaine. Ainsi les nuages épais se mêlant à des beautés inaccessibles font le désespoir du traducteur et déconcertent les lecteurs peu préparés à cette poésie lointaine, à cette « vision de gloire, » comme dit M. Villemain. Et cependant qui voudrait retrancher l’obscurité, les nuages, les énigmes perdues ? C’est la rouille du temps. Les beautés de Dante, fruits divins d’une poésie enchantée et toujours jeune, se peuvent goûter aujourd’hui encore après cinq cents ans dans