Page:Dante - La Divine Comédie, Le Purgatoire, trad. Ratisbonne, 1865.djvu/36

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Tu le sais, toi ! la mort te fut douce, ombre antique !
Et pour la liberté tu laissas dans Utique
Un corps qui renaîtra splendide au Jugement !

Les décrets éternels n’ont pas reçu d’outrage.
Il vit ; moi de Minos je puis braver la rage ;
Je suis hors de l’Enfer au cercle sans tourment.

Avec ta Marcia, dont l’œil chaste, ô sainte âme !
Semble encor te prier de la nommer ta femme.
Laisse-toi donc fléchir au nom de son amour I

Ouvre à nos pas les sept royaumes où tu règnes ;
Je lui reporterai nos grâces, si tu daignes
Être nommé là-bas dans le pâle séjour. »

Caton lui répondit : « Quand nous vivions sur terre,
À mes yeux Marcia plaisait tant, fut si chère.
Que grâces et faveurs elle obtint tout de moi.

Par delà l’Achéron maintenant qu’elle habite,
Je ne puis m’émouvoir pour son ombre proscrite.
Quand je sortis du Limbe, on me fit cette loi.

Mais si, comme tu dis, la volonté d’un ange
T’amène, est-il besoin du miel de la louange,
Et ne suffit-il pas de prier en son nom ?

Va donc, fais à cet homme une double ceinture
Avec un jonc flexible, et lave sa figure
Où l’enfer a laissé son trouble et son limon.

Car il ne faudrait pas que le moindre nuage
Ternît ses yeux, lorsque paraîtra le visage
De l’Ange, le premier venu du Paradis.