Page:Dante - Rimes, 1847, trad. Fertiault.djvu/182

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belle dans mon esprit que vous ne l’entendrez dans mon langage, parce que je ne suis point doué d’ (une) intelligence à parler (d’une chose) si élevée, ni à conter mon mal avec (quelque) perfection.

Par elle se meut chacun de mes pensers, parce que (mon) àme a pris l’attribut de sa belle personne ; et il me vient un désir de la voir, que m’apporte le penser de sa beauté et qui éperonne mon envie de l’aimer : et il (ce désir) ne m’abandonne pas, mais me le fait appeler sans cesse. Hélas ! je n’ose mourir, et je mène ma vie dolente dans les pleurs ! Et si je ne puis dire entièrement mon deuil, cependant je ne veux pas (non plus) le tenir caché ; car j’en inspirerai de la pitié à chacun (de ceux) à qui mon Seigneur (Amour) tient le frein, quand même j’en dirais un peu moins.

A ma mémoire revient chaque chose qui fut jamais vue par moi en elle, ou que je lui entendis (jamais) dire ; et je fais comme celui qui ne repose (point), et dont la vie de plus en plus s’écoule dans les plaintes et dans la langueur. Toute chose d’Eue me fait endurer le martyre ; que si par elle la compassion me fut montrée, et que je l’aie laissée, avec d’autant plus de raison je dois m’en affliger : et si jamais je me la remémore — paraissant, dans son allure, troublée devant moi, ou sevrée d’amour, — il m’arrive alors ce qui m’arriva en la voyant, et il mevient un plus grand désir de pleurer.