Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/26

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à morale vieux jeu, avec un cylindre apostolique, un piston prud’hommesque, une soupape système Guizot et une soupape système Berquin.

Ma tante, elle, ne moralise pas pour son compte. Mais, lorsque son mari dogmatise, elle approuve. Et ma cousine ratifie.

Que trouvez-vous à redire à ça ? ― Absolument rien, n’est-ce pas ?

Mais moi qui suis en proie à une irritation croissante, moi dont les nerfs agacés frémissent et se contractent, comme les muscles mis à nu d’un animal sous l’influence d’un courant électrique, à toutes les paroles de consolation et d’encouragement bêtes qu’on me prodigue depuis deux jours, moi qui sens bouillonner dans mon cerveau une colère dont je ne m’explique pas la cause mais dont je serais bien aise de me décharger sur quelqu’un, j’y trouve quelque chose à redire. Et je suis décidé, absolument décidé, à ne pas me laisser faire de morale et à jeter plutôt par-dessus bord, comme un chargement inutile, tous les sentiments affectueux ― tous ! ― qui m’unissent à cette branche respectable de ma famille.

Je brusque les choses. J’entre chez mon oncle en criant :

— Je viens de m’engager !

J’épie en même temps sur sa physionomie les signes de la stupéfaction, les marques de l’étonnement ; et, comme il va assurément tomber à la renverse, je me reproche de ne pas m’être assuré, avant de pousser mon exclamation, s’il avait un fauteuil derrière lui.

Mais il ne tombe pas. Il me répond très tranquillement :

— Ah ! tu viens de t’engager.