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Prise entre l’enclume allemande et le marteau britannique, comment la France peut-elle espérer, sous sa forme bourgeoise et cléricale, jouer un autre rôle que le plus humiliant de tous ? Il est bien certain qu’elle est hors d’état d’entraver, le voudrait-elle, la marche de la race anglo-saxonne ou celle de la race germanique ; l’une, par des moyens que je ne peux apprécier ici, prépare la fédération de contrées, jeunes ou vieilles, qui forment une bonne partie du globe. L’autre poursuit son unification et s’efforce d’établir lentement sur des faits la liberté philosophique dont elle fut l’apôtre ; elle va continuer demain son travail de développement normal, son extension rationnelle jusqu’à l’Adriatique ; barrant l’Europe, arrêtant d’un côté la coulée puante du cléricalisme latin et, de l’autre, l’extension misérable de la barbarie moscovite ; préparant ainsi la grande œuvre de libération universelle de laquelle rêvait Carlyle lorsqu’il écrivait que l’avenir de l’Allemagne était l’avenir du monde. Ces deux puissantes races, qui comprennent de jour en jour davantage la communauté de leurs intérêts, marchent par des voies différentes, plus ou moins pénibles et plus ou moins longues, vers la liberté et l’égalité. Que pourrait contre elles la France cléricale et réactionnaire — la France de Rome ? — En vérité, lorsqu’on pense que le triomphe des gredins du nationalisme est possible, lorsqu’on songe à l’énorme pouvoir qu’ont déjà pris la sacristie et la caserne, on arrive à avoir plus de foi dans le futur de la Belgique ou de l’Espagne — qui, au moins, sut porter au loin sa langue et son sang — que dans l’avenir de la France.

Mais la victoire ne sera peut-être pas aux laquais des tyrans et aux marguilliers, mais aux hommes qui veulent être libres. Ces hommes comprendront que la France, pour vivre, doit se constituer réellement en nation ; les circonstances, certainement, — peut-être les désastres provoqués par l’arrogante sottise des Nationalistes — les obligeront à comprendre qu’il faut que la France soit, effectivement, la patrie de tous les Français ; que toutes