Page:De Bougainville - Voyage autour du monde, 1771.djvu/179

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Nous retournâmes à bord à l’entrée de la nuit, l’enfant soufflait moins ; toutefois un vomissement presque continuel qui le tourmentait nous fit appréhender qu’il ne fut passé du verre dans son estomac. Nous eûmes ensuite lieu de croire que nos conjectures n’avaient été que trop justes. Vers les deux heures après midi, on entendit du bord des hurlements répétés ; et dès le point du jour, quoiqu’il fit un temps affreux, les sauvages appareillèrent. Ils fuyaient sans doute un lieu souillé par la mort et des étrangers funestes qu’ils croyaient n’être venus que pour les détruire. Jamais ils ne purent doubler la pointe occidentale de la baie ; dans un instant plus calme, ils remirent à la voile, un grain violent les jeta au large et dispersa leurs faibles embarcations. Combien ils étaient empressés à s’éloigner de nous !

Ils abandonnèrent sur le rivage une de leurs pirogues qui avait besoin d’être réparée : Satis est gentem eflugisse nefandam. Ils ont emporté de nous l’idée d’êtres malfaisants ; mais qui ne leur pardonnerait le ressentiment de cette conjoncture ? Quelle perte en effet pour une société aussi peu nombreuse qu’un adolescent échappé à tous les hasards de l’enfance !

Le vent d’est souffla avec furie et presque sans interruption jusqu’au 13 que le jour fut assez doux ; nous eûmes même dans l’après-midi quelque espérance d’appareiller. La nuit du 13 au 14 fut calme. A deux heures et demie du matin, nous avions désaffourché et viré à pic ; il fallut réaffourcher à six heures, et la journée fut cruelle. Le 15, il fit soleil presque tout le jour, mais le vent fut trop fort pour que nous pussions sortir.

Le 16 au matin, il faisait presque calme, la fraîcheur vint ensuite du nord, et nous appareillâmes avec la marée