Page:De Bougainville - Voyage autour du monde, 1771.djvu/180

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favorable ; elle baissait alors et portait dans l’ouest. Les vents ne tardèrent pas à revenir à ouest et ouest-sud-ouest, et nous ne pûmes jamais, avec la bonne marée, gagner l’île Rupert. La régate marchait très mal, dérivait outre mesure, et L’Étoile avait sur nous un avantage incroyable. Nous passâmes tout le jour à louvoyer entre l’île Rupert et une pointe du continent qu’on nomme la pointe du Passage, pour attendre le jusant, avec lequel j’espérais gagner ou le mouillage de la baie Dapphine à l’île de Louis-le-Grand, ou celui de la baie Elisabeth. Mais comme nous perdions presque à chaque bordée, j’envoyai un canot sonder dans le sud-est de l’île Rupert, avec intention d’y aller mouiller jusqu’au retour de la marée favorable. Le canot signala un mouillage et y resta sur son grappin ; mais nous en étions déjà tombés beaucoup sous le vent.

Nous courûmes un bord à terre pour tâcher de la gagner en revirant ; la frégate refusa deux fois de prendre vent devant, il fallut virer vent arrière ; mais au moment où à l’aide de la manœuvre et de nos bateaux, elle commença à arriver, la force de la marée la fit revenir au vent : un courant violent nous avait déjà entraînés à une demi-encablure de terre ; je fis mouiller sur huit brasses de fond : l’ancre tombée sur des roches chassa, sans que la proximité où nous étions de