Page:De Bougainville - Voyage autour du monde, 1771.djvu/181

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la terre permît de filer du câble ; déjà nous n’avions plus que trois brasses et demie d’eau sous la poupe, et nous n’étions qu’à trois longueurs de navire de la côte, lorsqu’il en vint une petite brise ; nous fîmes aussitôt servir nos voiles, et la frégate s’abattit ; tous nos bateaux, et ceux de L’Étoile venus à notre secours, étaient devant elle à la remorquer ; nous filions le câble sur lequel on avait mis une bouée, et il y en avait près de la moitié dehors, lorsqu’il se trouva engagé dans l’entrepont et fit faire tête à la frégate qui courut alors le plus grand danger.

On coupa le câble, et la promptitude de la manœuvre sauva le bâtiment. La brise ensuite se renforça, et, après avoir encore couru deux bords inutilement, je pris le parti de retourner dans la baie du port Galant, où nous mouillâmes à huit heures du soir par vingt brasses d’eau, fond de vase. Nos bateaux, que j’avais laissés pour lever notre ancre revinrent à l’entrée de la nuit avec l’ancre et le câble. Nous n’avions donc eu cette apparence de beau temps que pour être livrés à des alarmes cruelles.

La journée qui suivit fut plus orageuse encore que toutes les précédentes. Le vent élevait dans le canal des tourbillons d’eau à la hauteur des montagnes, nous en voyions quelquefois plusieurs en même temps courir dans des directions opposées. Le temps parut s’adoucir vers les dix heures : mais à midi, un coup de tonnerre, le seul que nous ayons entendu dans le détroit, fut comme le signal auquel le vent recommença avec plus de furie encore que le matin ; nous chassâmes et fûmes contraints de mouiller notre grande ancre et d’amener basses vergues et mâts de hune. Cependant les arbustes et les plantes étaient en fleur, et