Page:De Bougainville - Voyage autour du monde, 1771.djvu/240

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compatriotes sont fort superstitieux, que les prêtres ont chez eux la plus redoutable autorité, qu’indépendamment d’un être supérieur, nommé Eri-t-Era, le Roi du Soleil ou de la Lumière, être qu’ils ne représentent par aucune image matérielle, ils admettent plusieurs divinités, les unes bienfaisantes, les autres malfaisantes ; que le nom de ces divinités ou génies est Eatoua, qu’ils attachent à chaque action importante de la vie un bon et un mauvais génie, lesquels y président et décident du succès ou du malheur. Ce que nous avons compris avec certitude, c’est que, quand la lune présente un certain aspect, qu’ils nomment Malama Tamal, Lune en état de guerre, aspect qui ne nous a pas montré de caractère distinctif qui puisse nous servir à le définir, ils sacrifient des victimes humaines. De tous leurs usages, un de ceux qui me surprend le plus, c’est l’habitude qu’ils ont de saluer ceux qui éternuent, en leur disant : Evaroua-teatoua, que le bon eatoua te réveille, ou bien que le mauvais eatoua ne t’endorme pas. Voilà des traces d’une origine commune avec les nations de l’ancien continent. Au reste, c’est surtout en traitant de la religion des peuples que le scepticisme est raisonnable, puisqu’il n’y a point de matière dans laquelle il soit plus facile de prendre la lueur pour l’évidence.

La polygamie paraît générale chez eux, du moins parmi les principaux. Comme leur seule passion est l’amour, le grand nombre des femmes est le seul luxe des riches. Les enfants partagent également les soins du père et de la mère. Ce n’est pas l’usage à Tahiti que les hommes, uniquement occupés de la pêche et de la guerre, laissent au sexe le plus faible les travaux pénibles du ménage et de la culture. Ici une douce oisiveté est le partage des femmes, et le soin