Page:De Bougainville - Voyage autour du monde, 1771.djvu/394

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plus curieux des comédies chinoises quoique nous n’entendissions pas mieux ce qui s’y débitait ; il ne serait pas fort agréable de les voir tous les jours, mais il faut en avoir vu une de chaque genre. Indépendamment des grandes pièces qui se représentent sur un théâtre, chaque carrefour dans le quartier chinois a ses tréteaux, sur lesquels on joue tous les soirs des petites pièces et des pantomimes. Du pain et des spectacles, demandait le peuple romain ; il faut aux Chinois du commerce et des farces. Dieu me garde de la déclamation de leurs acteurs et actrices qu’accompagnent toujours quelques instruments. C’est la charge du récitatif obligé, et je ne connais que leurs gestes qui soient encore plus ridicules. Au reste, quand je parle de leurs acteurs, c’est improprement ; ce sont des femmes qui font les rôles d’hommes. Au surplus, et on en tirera telles conclusions qu’on voudra, j’ai vu les coups de bâton prodigués sans mesure sur les planches chinoises y avoir un succès tout aussi brillant que celui dont ils jouissent à la comédie italienne et chez Nicolet.

Nous ne nous lassions point de nous promener dans les environs de Batavia. Tout Européen, accoutumé même aux plus grandes capitales, serait étonné de la magnificence de ses dehors. Ils sont enrichis de maisons et de jardins superbes, entretenus avec ce goût et cette propreté qui frappent dans tous les pays hollandais. Je ne craindrai pas de dire qu’ils surpassent en beauté et en richesses ceux de nos plus grandes villes de France, et qu’ils approchent de la magnificence des environs de Paris. Je ne dois pas oublier un monument qu’un particulier y a élevé aux muses. Le sieur Mohr, premier curé de Batavia, homme riche à millions, mais plus estimable par ses connaissances et son