Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/102

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— Alors je veux bien, mais à condition que vous me ramènerez quelquefois voir la sœur Sant’-Anna ;

Dans ce moment, la sœur Sant’-Anna parut. Elle devina ce qui arrivait et saisit l’enfant dans ses bras :

— Tu vas suivre la signora, dit-elle en pleurant. La madone exauce mes prières. Tu seras heureuse, mais je te perds.

— Oibo ! s’écria Antonia, je suis plus fine que vous ne pensez. Je ne partirai point si la signora ne veut pas promettre de me ramener vous voir. Vous allez me dire si elle promet comme il faut et si nous pouvons la croire.

Je donnai ma parole de manière à satisfaire l’enfant et la religieuse. La sœur Sant’-Anna, toujours pleurant, me baisa les mains en me recommandant sa fille chérie. Antonia monta résolument dans ma voiture et nous partîmes. Je n’ai pas à me reprocher d’avoir manqué de soins pour cette petite fille, ni d’avoir négligé son éducation. J’y attachais d’ailleurs une idée que vous pouvez appeler superstitieuse. Il fallait qu’Antonia fût heureuse et bonne. Son esprit indépendant ne m’effraya pas d’abord. Ce n’était encore que de l’espièglerie. Elle se querellait avec ses maîtres et n’obéissait qu’à moi ; ce respect me toucha, mais j’aurais voulu gagner autant d’amitié que de soumission et j’y réussissais mal. Sans avoir un naturel antipathique, elle était peu disposée à la tendresse. Je l’en aimais davantage par un travers que je ne saurais expliquer. Son intelligence, son babil d’enfant, ses espiègleries et ses observations moqueuses sur les habitués de la maison me divertissaient