Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/112

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de ce pauvre garçon et tous deux me baisèrent les mains en m’accablant de remerciements. Au bout de trois jours, les progrès de Meneghe étaient déjà sensibles. Sa toilette avait subi de grandes améliorations ; sa charmante figure, son envie de plaire et l’ivresse de son bonheur finissaient par m’entraîner. Jugez de ma surprise lorsqu’un matin, Antonia vint s’asseoir au bord de mon lit et me déclarer sans hésitation qu’elle ne voulait point épouser Menhege.

— As-tu résolu de me faire tourner la tête ? dis-je avec colère. Quel est ce nouveau caprice ?

— Ce n’est pas un caprice, répondit-elle. Je croyais aimer cet ânier ; j’ai réfléchi et je sens que je me trompais.

— Mais tu n’étais donc pas jalouse de la Sorrentine ?

— Très jalouse, au contraire ; c’est la cause de mon erreur. Hélas ! signora, je ne vous souhaite pas de connaître la jalousie. A présent qu’elle est passée, je vois que c’était ma seule maladie et que l’amour n’existait pas.

En apprenant sa ruine, Meneghe tomba la face contre terre. Il se releva ensuite et demanda, d’une vois lamentable, s’il n’y avait plus de remède.

— Aucun remède, lui dis-je.

— Alors, s’écria-t-il, n’y pensons plus car je ne veux pas devenir fou. Je retourne à mon ciuccio. Faut-il rendre à votre seigneurie tous mes beaux habits ?

— Non, ils sont à toi.

— Ils valent beaucoup d’argent, ce sera pour ma bonne-main. Mille grâces à votre seigneurie.

Le soir-même il avait vendu sa garde-robe et se