Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/113

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tenait en caleçon de toile sur la place du village, offrant son âne aux promeneurs. Il ne lui resta, de sa fortune d’un moment, que le sobriquet de don Limone dont ses confrères le gratifièrent à perpétuité. On n’oubliera jamais, à Sorrente, sa culotte de velours et son gilet citron.

Afin de mettre une conclusion plus sûre aux amours de Meneghe, je retournai à Naples avec ma fille adoptive. Elle y passa l’hiver au milieu d’une société aimable, fort courtisée par des jeunes gens qui auraient dû lui plaire et dont elle recevait les hommages avec une brusquerie et une humeur rétive qui éleva plus d’une querelle entre nous. En revanche, lorsque je le prenais en barque sur la mer, elle engageait des conversations avec les rameurs, leur adressait des œillades et se mettait en frais de coquetterie, à mon grand déplaisir. Un dimanche, à l’église de Santa-Chiara, nous vîmes qu’on célébrait une messe de mariage dans une des chapelles latérales. Avec ses yeux de lynx, Antonia reconnut son ancien amoureux, Geronimo, conduisant à l’autel une jolie personne coiffée du voile des épousées.

— Le traître ! s’écria-t-elle, il se marie ! Cela prouve bien qu’il ne m’aimait pas.

— Si l’un de vous a trahi l’autre, lui dis-je, ce n’est pas le pauvre Geronimo et, s’il ne t’aimait point, cela est fort heureux pour lui. Voudrais-tu qu’il restât garçon toute sa vie ?

— Je n’en serais pas fâchée.

Antonia sortit de l’église, mais je découvris bientôt qu’une nouvelle