Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/115

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apaisé les prétendants en laissant le choix à Antonia. Elle donna la préférence au petit barbier et, à midi, tous les mariages furent célébrés à la fois dans l’église de l’Annonciade.

J’attendais à ma fenêtre, dans une anxiété cruelle, qu’on m’apportât des nouvelles de la fugitive lorsque je vis deux calèches de place accourir au galop, remplies de lazzaroni, de cornemuses et de tambours de basque ? C’étaient les époux, entourés de leurs amis qui venaient me faire leurs soumissions. Antonia conduisait la troupe joyeuse.

— Signora, me dit-elle, je n’oublierai jamais que vous m’avez aimée comme votre enfant ; mais je n’étais pas digne de tant d’honneur. Je ne suis qu’une pauvre fille du peuple, incapable de me former aux bonnes manières, de suivre votre exemple et de répondre comme je le devrais à tous les soins que vous avez pris pour mon éducation. Je rentre dans e peuple en acceptant un mari de l’Annonciade et, quand je serai méchante ou jalouse, on ne s’en étonnera pas. Pardonnez-moi ma dernière sottise ; si j’en commets d’autres à présent, mon mari, qui est un homme robuste, saura bien me corriger à la façon de ses pareils.

La chose étant faite, il n’eût servi à rien de me mettre en colère. Je donnai quelques avis maternels à l’épousée qui me promit d’avoir toujours pour moi le respect d’une fille et puis je l’embrassai en lui offrant un présent de noce. Une distribution aux conviés termina la séance. On remonta dans les voitures aux cris de : Vive la signora ! Vive la reine des trovatelles ! Et on s’en alla danser sous une treille.