Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/117

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animal. Cependant le nom de Meneghe, prononcé dans le groupe des âniers, réveilla mes souvenirs et, afin de parler à l’ancien amoureux d’Antonia, je montai sur son âne, après avoir fait un marché avec lui pour aller déjeuner à Massa. Meneghe témoigna d’abord de la répugnance à revenir sur ses aventures et, j’en augurai bien, dans l’idée qu’il aimait encore sa maîtresse infidèle. La promesse d’un regalio lui délia la langue. Il me raconta ses amours d’une manière risible, à son point de vue de paysan. Je lui demandai si cette affaire lui avait laissé beaucoup de regrets et il soupira, sans vouloir répondre.

— Ce garçon-là, pensai-je, doit avoir le cœur sensible.

En arrivant à Massa, je déjeunai sous un berceau de vignes, tandis que meneghe mangeait dans la cuisine de la locanda. Lorsque je revins d’une promenade à pied pour reprendre mon âne, je m’aperçus que la pauvre bête n’avait eu d’autre nourriture qu’un peu d’herbe sèche couverte de la poussière du chemin. Je reprochai à Meneghe sa négligence et sa cruauté.

— Anzi ! me répondit-il, a ben’fatto la colazione ; bah ! il a fait une bonne collation.

Je remontai sur l’âne avec la conscience agitée et de nouveaux doutes sur les bons sentiments du ciucciaïo.

— Ecoute-moi, lui dis-je tout en cheminant, pourquoi ne te maries-tu pas ?

— Gnor, répondit-il dans son dialecte original, non trovarro n’Antonia.

— Tu ne trouveras pas Antonia, c’et vrai, mais que n’épouses-tu Angelica ?