Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/126

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cinq heures du soir sur le bateau, le Mongibello, qui partait pour Messine par un temps magnifique. Le soleil s’abaissait vers l’île de Procida ; le Vésuve se colorait de rose et portait sa fumée sur l’oreille, comme un plumet. La Méditerranée, vêtue de sa robe d’indigo dont les plis semblaient légers comme de la mousseline, n’avait pas la force d’effacer le large sillon du bateau. Déjà les maisons, de Portici à Chiaia, n’offraient plus qu’une ligne confuse tandis qu’on voyait distinctement, sur la rive opposée, les villas, les clochers et les bois d’orangers de Sorrente. Le Mongibello marchait droit et vite vers le détroit formé par les rochers de l’île de Capri. Nous étions une trentaine de passagers, la plupart assis et immobiles, occupés à dire un adieu tacite à cette baie de Naples, si belle et si fatiguée de louanges. Près de moi se trouvait un Anglais herculéen qui poussait de gros soupirs.

— N’est-il pas vrai, monsieur, lui dis-je, qu’on ne peut s’éloigner de ce pays sans éprouver des regrets ?

Le colosse me répondit qu’il craignait beaucoup la mer et que, déjà, il était souffrant.

— Il faut espérer que cela passera, repris-je ; le meilleur préservatif que je connaisse, c’est de dîner copieusement et de boire un peu plus de vin qu’à l’ordinaire.

Ce conseil plut beaucoup à mon voisin dont j’avais rencontré, par hasard, le point sensible. Il me proposa de vider avec lui quelques verres de marsala, madère de la Sicile et dont les bateaux à vapeur de l’Italie sont toujours approvisionnés.

A l’arrière du Mongibelle était une galerie élevée sur laquelle une jeune fille se promenait seule depuis