Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/128

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elle parlait de la meilleure manière de préparer le thé et de perfectionner les sandwiches ; La cloche du dîner interrompit une conversation qui me captivait entièrement ; mais je fus placé, à table, auprès de la signorina et je retombai sous le charme que ses lèvres roses ajoutaient à son esprit et à son savoir.

Le repas fut animé. Tous les convives demandèrent du marsala et mon gros Anglais se gorgea si bien de cette boisson capiteuse qu’il devint violet comme une tulipe. Quand nous remontâmes sur le pont, les dernières lueurs du crépuscule doraient encore les montagnes. Nous passions le détroit. A notre gauche, les rochers de Massa s’élevaient en ligne perpendiculaire, comme une muraille énorme et, sur la droite, des rochers pointus et dentelés de Capri représentaient des églises fantastiques, enchevêtrées les unes dans les autres. Nous quittions le golfe de Naples pour entrer dans celui de Salerne. Les côtes de la Calabre serpentaient à perte de vue et la lune éclairait quelques sommets élevés, coiffés par la neige. En face de nous, les regards se perdaient dans un horizon sans bornes. Il y avait quelque chose de menaçant dans cette entrée subite en pleine mer. La nuit et l’immensité se présentaient ensemble et le Mongibello avançait intrépidement, désignant le but de son voyage avec l’index toujours étendu de son mât de beaupré. Mon gros Anglais lui-même reçut une espèce d’impression. La jeune miss s’écria qu’elle aimait les voyages et nous causâmes avec plus d’abandon qu’auparavant. Mlle Nancy allait à Malte, avec son père, pour en ramener une tante qui revenait de Constantinople ; mais, comme cette tante devait faire une quarantaine de vingt-et-un jours, on avait le temps