Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/129

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de visiter la Sicile. Le père était un fabricant d’armes à feu de la Cité de Londres. Un commis habile dirigeait les affaires en son absence et il voyageait pour voyager. Après avoir rejoint sa sœur à Malte, il voulait revenir tout droit à Marseille, traverser Paris et retourner ensuite à Londres, afin de chercher un mari pour sa fille. La petite miss dit, timidement, qu’elle préférait demeurer un an de plus en Italie ; à quoi le père répondit, avec un sang froid imperturbable, qu’il voulait tout de suite marier son fille. La jeune personne garda le silence et je ne manquai pas de comprendre le malheur de cette créature tendre et romanesque, condamnée à subir le despotisme d’un père brutal et fabricant.

Cependant, le Mongibello, satisfait de se trouver en pleine mer, commençait à s’emporter et à bondir gaiement sur le dos des vagues, baissant et relevant sa croupe comme un bon cheval de course. L’influence salutaire du marsala étant dissipée, mon Anglais s’essuyait le front avec son mouchoir.

— Je me sens mal, dit-il, restez, si vous voulez, Nancy. Je vais me mettre au lit tout de suite.

Et il disparut par l’escalier, avec l’empressement fiévreux que donnent les premières atteintes du mal de mer. Quoi qu’il y eût d’autres personnes autour de nous, miss Nancy était embarrassée de notre tête-à-tête ; elle rabattit son burnous sur ses yeux pour s’isoler. Je me rappelai qu’en Angleterre il est expressément défendu de parler à une personne à laquelle on n’a pas été présenté ; un inconnu qui vous sauverait du sein des flots n’aurait droit à aucun remerciement avant de s’être muni d’un introducteur officiel. Je voulais donc m’éloigner, par discrétion,